Comme nous vous l’avons expliqué dans un autre article, nous vivons au Laos et travaillons pour Off Road Laos Adventures. Une agence de voyage organisant des circuits hors des sentiers battus. Jérémy est quant à lui spécialiste des tours moto.
C’est quoi un repérage moto ?
Et bien, c’est très simple. Avant de proposer un tour moto tout-terrain, il faut s’assurer que les pistes existent et qu’elles sont praticables. Les motards de l’agence vont donc sur place afin de vérifier que les oui dires du style « il parait qu’une piste relie telle ville à tel village » sont vrais.
Partir explorer le terrain, nous permet ensuite de créer un nouveau tour moto. De définir un itinéraire précis, en connaissant les temps de route ainsi que la difficulté des pistes. Vous l’aurez donc compris, partir en repérage c’est l’aventure, car il y a une grosse part d’inconnu. Et c’est ça qui est génial !!
Avant de faire un repérage moto, il faut définir des objectifs
Cette mission avait deux objectifs. Le premier était évidemment de trouver de nouvelles pistes afin de proposer un nouveau circuit moto. Pour cela, nous devons nous baser sur les rumeurs, c’est véridique !! Nos guides locaux, nous rapportent régulièrement des infos plus ou moins crédibles sur de potentiels chemins permettant de relier deux villages. Il arrive un moment où le seul moyen d’en être sûr, c’est d’y aller. C’est donc ce que nous avons fait.
Le deuxième but était de vérifier qu’un de nos itinéraires existants valait toujours le coup. Et pour cela, nous devons nous s’assurer régulièrement que les pistes n’ont pas été bitumées. Et sachez que ça va très vite dans un pays en développement comme le Laos.
Puis nos experts moto ont dessiné l’itinéraire à travers le Nord du Laos
Petite parenthèse, notre équipe est constitué de motards de bon niveau notamment sur les pistes techniques. Ensuite, nous connaissons tous parfaitement le Laos, les modes de conduite locales, l’état des routes et des pistes. La moitié de nos membres étant laotiens, nous n’avons aucune difficulté pour nous faire comprendre et entrer en relation avec les locaux.
Je vous l’annonce car régulièrement des touristes viennent nous voir et nous demandent des itinéraires et les pistes pour visiter le Laos. Ce n’est pas du tout recommandé de partir sur ses terrains là si vous avez une expérience limité, et illégal de vous aventurer sans guide. Fin de la parenthèse 🙂
Notre chef lao Phasouk ainsi que Yay notre meilleur guide moto ont donc prévu un itinéraire sur 8-9 jours. Départ de Luang Prabang, direction le nord-ouest du pays en longeant plus ou moins le Mékong jusqu’à la frontière thaïlandaise. Puis nous filons plus au nord jusqu’à la frontière Birmane, pour ensuite frôler la Chine. Nous nous dirigerons ensuite vers l’est à seulement quelques kilomètres du Vietnam avec un passage par la plaine des jarres.
Destination : Confins du Nord Laos, Triangle d’or et Plaine des Jarres
Départ – retour : Luang Prabang, Laos
Durée : 9 jours / Distance : 1700 km
Moto : Honda CRF250-L
Nuits : guesthouse « très locales » et nuit chez l’habitant
Certaines sections de ce périple à moto présentaient des grosses parts d’incertitude, ça sent l’aventure ! Mais pour corser l’affaire et économiser notre temps, on va le faire en mode course. En gros, nous couvrirons deux fois plus de distance par jour que le font nos motards lors de leur tour, ça promet !!!
Jour 1, prise en main des motos CRF-250 et mes 30 ans
Journée plutôt roulante pour débuter. Route le matin, piste l’après-midi. 170km avalés, et déjà une conclusion importante à la fin de la journée : j’aurais du voyager plus léger. Nos affaires pour cette expédition sont fixées sur les portes bagages de nos motos. Plus le sac est lourd, plus la roue avant est délestée (sous-virage), et plus le centre de gravité est haut (déséquilibre). Au passage on fête mon anniversaire. J’ai 30 ans au beau milieu de nulle part, près de Hongsa.
Jour 2, glissements de terrain et faux raccourcis
La journée s’annonce bien. Nous connaissons les pistes qui doivent nous mener à notre destination, donc normalement pas de surprise. Nous prenons notre temps et en profitons pour faire une pause selfie à Muang
Guen, ville frontière avec la Thaïlande. Après 195 kilomètres sans grosse difficulté, nous sommes stoppé par un glissement de terrain. Les
pelleteuses sont à l’œuvre pour remettre la route en état. L’attente peut être terriblement longue. Un gars du coin nous dit qu’il existe un moyen de contourner ce petit désagrément. On l’écoute et on y va.
Tentons notre chance ! Mais nous nous rendons rapidement compte de notre erreur… son « raccourci » est une succession d’effondrements et de passages de rivières…
On essaye, on galère, mais après plus de 2 heures à galérer, nous faisons demi tour devant un obstacle infranchissable.
Retour au plan d’origine… mais de nuit… Et évidemment, loi de l’emmerdement maximum oblige, 2 des 4 motos ont les phares qui lâchent.
Bref, arrivée à 20h à HouaySay, 1 plâtrée de riz pour diner, une bière et au dodo. Demain, une longue journée nous attend.
Jour 3, rouler à travers rizières et jungle
Avec les kilomètres et les conseils avisés de mes camarades, je commence à prendre du plaisir en roulant. Fini la lutte contre la moto, j’envisage maintenant ma CRF comme mon alliée, c’était pas gagné. Au programme de la journée quasiment 200 bornes de pistes au début dans les rizières avec des singles de folie, et ensuite dans la jungle.
Avec la confiance je me laisse surprendre par une piscine à buffle, c’est-à-dire une marre de boue bien dense. J’y enfonce la moto jusqu’au ¾ des roues.Il faut être 3 pour la sortir. Fin de journée sur le pont frontière entre le Laos et la Birmanie.
Jour 4, s’aventurer à moto sur les pistes des chasseurs en pleine forêt
Aujourd’hui on va faire 89 bornes. Ça peut paraitre peu, mais on aura mis 6 heures pour les faire !! Pourquoi ? car c’est une piste de forêt empruntée uniquement par les chasseurs du coin. Du coup, elle n’est pas entretenue. Certains passages sont extrêmement techniques. Des ponts de bambou destinés aux piétons, des éboulements, des troncs d’arbres… J’en passe et des meilleurs, les photos parlent d’elles-mêmes. Mais les paysages sont somptueux, et nos efforts sont récompensés.
Jour 5, journée mémorable de glissades sur chemins argileux
Aujourd’hui est la journée la plus mémorable. Nous partons sur des pistes de forêts, un peu technique, et nous y prenons beaucoup de plaisir. Mais la pluie commence à tomber. Et le gentil chemin d’argile sèche, devient un vrai calvaire aussi glissant que du verglas. Lors d’une montée, le premier de cordée chute et entraine inévitablement les 3 autres… Nous finissons par nous évader de ce calvaire pour tomber sur un passage d’un mètre de large à flanc de ravin. 1 heure pour passer les 4 motos une à une…
Jour 6, passage de rivière avec les motos sur des pirogues
L’itinéraire de la journée est bien ficelé et ne présente pas de surprise. Seule inconnue au programme : il y a une rivière à passer mais pas de pont. Nous appelons un de nos guides d’un village proche. Il se présente avec un bateau dans lequel on ne peut même pas caser une moto. Il doit donc repartir dans son village pour revenir avec du renfort. Avec 3 pirogues, de la corde et des branches, ils arrivent à construire une embarcation plutôt stable, dans laquelle nous embarquons avec les 4 bécanes.
Jour 7, apprendre à se dépasser
La journée galère ! La raison ? Un itinéraire obscur et ambitieux. Après 8 heures de roulage sur route puis sur pistes, nous nous s’engageons dans la partie inconnue de l’itinéraire. La piste est archi technique avec des ornières qui ressemblent plus à des petits ravins. La fatigue se fait sentir, la lucidité s’évapore et les chutes commencent. La nuit tombe, les obstacles sont donc encore plus sournois.
Une chute à quelques centimètres du flanc de la montagne finit de me convaincre de laisser les passages techniques à notre guide. Nous sortons enfin du calvaire vers 21h pour tomber devant une rivière en crue… Nous devons laisser les motos sur la rive, et rejoignons le village de l’autre côté pour y dormir. La traversée est remise au lendemain quand les esprits seront de nouveaux clairs.
Jour 8 et 9, mystérieuse Plaine des jarres et retour à Luang Prabang
Après s’être clairement mis en danger la veille, la décision est prise de ralentir le rythme. L’itinéraire du dernier jour se divise en 2. Au programme, des super pistes, une soirée bière pour se remettre de nos émotions et une visite de la mystérieuse plaine des jarres. Retour à Luang Prabang vers 12h00.
Quel bilan pour cette aventure à moto aux confins du Laos ?
Sur un côté pro, on s’est assuré que notre tour moto est toujours une tuerie. Oui, c’est la cas ! Et nous l’avons même amélioré en y ajoutant des pistes découvertes lors de ce circuit moto. Surtout, nous avons pu concocter un tout nouveau tour moto au nord-est du pays.
Sur un plan perso, le bilan est juste incroyable. Une aventure comme ça ne s’oublie pas ! Les moments de galère à changer une roue sous la pluie au bord d’un ravin, les gamelles, les longues heures de route la nuit… Mais aussi les bons côtés, les soirées autour d’une bière à se remémorer la journée, les paysages incroyables, le plaisir de rouler au milieu de nulle part, rencontrer des ethnies isolées… se rendre compte de notre chance et de notre vie plus que confortable quand même. Bref, une expérience inoubliable, une aventure hors du temps, gravée à jamais.