Les hivernales moto ont toujours été une curiosité pour nous. Pourtant le concept est simple : rouler à bécane en plein hiver pour se cailler les miches et camper entre potes. Toute personne non-familière au masochisme motocycliste est donc en droit de se demander pourquoi. Pourquoi dormir en tente par des températures négatives ? Pourquoi rouler à moto sous la neige ? En résumé, pourquoi s’infliger ça ?
Et bien, dans cet article, nous allons essayer de percer le mystère en revenant sur notre première participation à un évènement de ce type : la minivernale du Cantal. Bonne lecture !
On commence par l'histoire de l'hivernale
Des origines allemandes nazies (encore !!)
Parlons un peu de ce concept étrange. A quel moment, ça a déconné dans la tête d’un motard pour qu’il se dise : « je vous emmerde, je vais camper sous la neige, et je m’en fous si il fait -10°C ». Et bien, il semblerait que tout ait réellement commencé en Allemagne, avec le rassemblement des éléphants (Elefantentreffen).
En 1956, d’anciens combattants allemands étaient nostalgiques de la Wermacht. Ils ont commencé à se retrouver en hiver au guidon de leurs side-car Zündapp et BMW. L’évènement s’est progressivement ouvert à tous les motards, rassemblant plus de 10 000 bécanes.
Quid de la France ?
Le concept serait arrivé en 1969 avec un rassemblement motard sur le plateau des Millevaches. Pourquoi là ? Parce que le spot est isolé et réputé pour son climat rigoureux. La première édition fut dantesque : Pléthor de neige, -18°C, et seulement 100 participants sur les 250 atteignent le lieu de camping. C’est ainsi que la légende des Millevaches est née. Depuis, le concept séduit de plus en plus de motards désireux d’en découdre avec le froid et d’arborer fièrement les écussons remis lors de ces évènements.
L'hivernale, un challenge que nous devions relever
Un petite voix dans ma tête me disait « tu dois le faire, tu dois aller te les geler par -10°C ».
Qu’à cela ne tienne, ma schizophrenie l’emporte et je me décide. Toutes les hivernales officielles étant annulées à cause du Covid, nous partons sur un format réduit à 7 participants. Le lieu ? Une forêt à côté d’un lac gelé dans le Cantal.
Tout commence sur le plateau des Millevaches où j’ai retrouvé mon ami uraliste organisateur. Le ton est donné : -8°C. Rouler par ces températures pousse à l’introspection, surtout quand ça dure 200 bornes. Le spot à atteindre ? Allanche, dans le parc des Volcans d’Auvergne. 5 autres compères nous rejoignent en cours de route.
Le climax de cette aventure commence à une dizaine de kilomètres du campement.
Évidemment, plus on monte en altitude, plus la neige persiste. La route est enneigée ou plutôt verglacée. Notre camarade en Royal Enfield en fait les frais et se gaufre une première fois, puis une seconde, puis une troisième… Nous arrêtons de compter pour préserver son honneur.
A deux kilomètres de l’arrivée, les conditions météo deviennent infernales. En me garant sur le côté, la roue du panier est prise dans la congère. Impossible de repartir. Je dois mon salut à un couple d’isérois qui passait par là.
C’est ensuite à la Royal Enfield de refaire des siennes avec la roue avant bloquée par la neige. Notre compère à la Goldwing attelée s’arrête pour dépanner. Une fois l’indienne débloquée, c’est la japonaise qui subit le même sort. Sur un attelage de 800kg, c’est tout de suite plus compliqué.
Serait-ce la fin des mésaventures ? Sûrement pas ! C’est maintenant au tour de Wlad l’uraliste de se tanker dans la congère en bord de route. Ça commence à devenir physique ! A peine le trois pattes soviétique est libéré de sa prison de glace que la Goldwing se fout au tas. Piloter cet attelage avoisinant la tonne ressemble plus à du patinage artistique qu’à de la moto.
Plus que 500 mètres avant d’atteindre le campement. C’est sans compter sur cette pente montante verglacée ! La Royal Enfield fait du surplace. Des rilsans sur le pneu arrière lui permettront de passer l’obstacle.
Nous atteignons enfin le spot de bivouac !
Que dire du cadre ? Simplement magique, une forêt de pins bordant un lac gelé. Il y a des airs de Sibérie. Tout le monde s’attelle à monter le campement. Installer les tentes, allumer le brasero, déneiger un accès pour les motos…
Une fois ces travaux réalisés, c’est activité luge tractée par l’Ural ! Ensuite, nous passons la soirée à refaire le monde autour du feu. Le dodo se déroule sans encombre malgré un thermomètre dépassant les -10°C. Les changements de température abruptes m’obligent à me couvrir plusieurs fois au milieu de la nuit.
Le lendemain, réveil à la fraîche.
Nous profitons du levé de soleil sur le lac gelé, le spectacle est incroyable. Nous faisons cuire les derniers morceaux de barbac, partageons un utlime repas et c’est déjà l’heure de repartir. La route étant verglacée, le pilote de la Royal Enfield décide de jouer la sécurité en attelant la bécane à l’arrière d’un 4×4. Cela évitera d’ajouter une dizaine de chutes à son compteur.
Il est temps de se dire au-revoir. Chacun reprend la route de son côté. Je retourne avec Wlad jusqu’au plateau des Millevaches. La météo apocalyptique alterne neige, soleil et grésille. Le bonheur ! Une fois arrivés, nous profitons d’un feu de bois plus que bienvenu. Quant à moi, il me restera encore 350 bornes à parcourir le lendemain pour rejoindre mon chez-moi.
Quel bilan pour cette première hivernale intimiste ?
Premier constat : la majeure partie de l’aventure consiste à se rendre sur place.
En effet, rouler sous la neige ou sur le verglas peut s’avérer très chaotique. Cette progression difficile oblige à s’entraider et une véritable solidarité se développe. Chacun d’entre nous s’est foutu au tas au moins une fois avec peu de chance de se remettre sur patte seul. C’est donc collectivement que l’on a réussi à atteindre le plateau en altitude. Les liens que j’ai pu tisser avec mes camarades d’aventures sont forts. En les quittant, j’ai eu l’impression que j’aurais pu partir à l’autre bout du monde sereinement avec eux. Plutôt intéressant, non ?
Deuxième constat : une fois le camp monté, ça ressemble beaucoup à week-end entre potes !
C’est un moment de partage autour d’un feu de joie et d’un BBQ. La différence principale est les températures négatives. Dans certaines hivernales, il y a même des concerts organisés. L’ambiance y est similaire à un festival de musique.
De manière plus globale, « les hivernales, ça t’aide à te sentir vivant » comme le dit si bien Wlad.
Durant ce weekend, j’ai eu le temps pour réfléchir et me rendre compte de la véracité de cette phrase. Pendant le rassemblement, on est en contact direct avec les éléments. Le froid nous glace les pieds, les mains, le visage,… Les conditions sont éreintantes. On ressent dans son corps toutes ces sensations désagréables voire douloureuses que l’on essaye d’éviter le reste de l’année. Un confort qui nous engourdit le corps et l’esprit.
Tout à fait d’accord. Les hivernales permettent un court instant de vivre dans un autre monde. Toutefois, je déplore que les phénomènes sociaux actuels s’y retrouvent de plus en plus. Ainsi, il y a quelques temps aux Millevaches, ai-je vu des vols dans les tentes, des vols de pièces sur les motos, des cons en japonaises jouer jusqu’au rupteur. Il est vrai que les conditions météo sont hélas clémentes ces dernières années alors que le grand froid agit comme une machine à refouler les cons.
Tu as raison, une hivernale sans le froid, c’est comme un festival.
Quand tu penses que la 1ère édition des Millevaches, il faisait -18 et que seulement 100 participants ont réussi à atteindre le camp, ça laisse rêveur 🙂
Je pense que, plus les hivernales connues seront fréquentées, plus des hivernales pirates se développeront.
Par pirate, j’entends en petit comité organisé par des particuliers, pas par des MC ou des assos.
Histoire de revenir aux sources 🙂