Explorer le Kirghizistan majoritairement par les pistes : voilà le challenge que l’on s’est fixé. Notre bible guidant cette honorable entreprise ? Le livre d’Ountravela recensant les plus belles traces du pays. Nous partons côtoyer les monts célestes, caresser le pic Pobédy et découvrir une cité fantôme. Accessoirement, nous testons les capacités sous-marines de notre sidecar Ural. Accroche-toi ! Dans cet article, nous te racontons notre exploration des zones frontalières au Nord et à l’Est kirghizes Bonne lecture !
Étape majeure de la route de la soie, le Kirghizistan était pour nous une destination très attendue. Afin de profiter d’un itinéraire idéal, nous avons demandé conseil à des experts : Ountravela ! Ils ont arpenté ce pays durant plus de 10 mois afin d’y dénicher des pistes et des sites incroyables. Alors, autant dire qu’ils sont calés sur le sujet ! Si toi aussi tu désires visiter le Kirghizistan, nous te conseillons vivement leur livre de voyage recensant les plus belles pistes du pays. Découvrir leur livre » Explore Kirghizistan ».
Les pistes des monts célestes au Kirghizistan
45 litres d’essence à bord, let’s go !
Nous repartons à l’aventure dans l’est kirghize. Aux confins du pays, nous espérons longer au plus près les frontières kazakhe et chinoise. Au programme ? Les pistes 10, 11 et 12 concoctées par nos amis d’Ountravela. Une valeur sûre ! Avec nos permis frontaliers en poche et 45 litres d’essence au total, nous sommes parés. Il faut dire que c’est une boucle de presque 400 bornes dans les montagnes qui nous attend ! Bon d’accord, 45 litres pour 400 kilomètres, ça peut paraitre excessif, mais on préfère jouer la sécurité plutôt que de tomber en rade absolument au milieu de nulle part.
Tel un épisode d’une petite maison dans la prairie, nous débutons cette aventure le long d’une rivière à l’ombre des sapins. Ce qu’on adore ? Ce lieu est convoité par les pêcheurs et les familles en pique-nique dominical. On les comprend. Le décor est fantastique. Les choses deviennent nettement moins dimanche-friendly quand il s’agit d’affronter une série de grimpettes bien caillasseuses. Des sentiers ravinés pas particulièrement agréables à arpenter en Ural, mais les paysages valent le coup !
L’oreille absolue uralistique
La suite ? Une géniale piste roulante à travers une vallée verdoyante. Là, c’est le pur pied ! La vue est dégagée, les montagnes nous entourent, la brise est fraiche. Parfait ! Nous saluons gaiement les quelques bergers nomades que nous croisons. Leurs sourires teintés d’étonnement sont toujours un plaisir à observer. « Qu’est-ce qu’ils peuvent bien venir foutre ici ces touristes ? », se demandent-il très probablement.
C’est en pleine traversée d’un océan de mouton que Gobi cale. Plus de pêche. Il tient le ralenti, pas plus. Nous sommes à 2700 m d’altitude. C’est le moment de changer les gicleurs. L’opération nous prend 20 minutes. Un chrono honorable, non ? Il faut dire qu’on commence à avoir l’habitude. A 3000 m, Gobi a toujours la fougue de ses premières années. L’ascension du col se fait sans accroc. Tu connais la meilleure ? Désormais, nous savons distinguer à l’oreille des carbus encrassés, un filtre à air obstrué ou encore quand il faut changer les gicleurs. L’oreille absolue uralistique ! Ça nous aura pris du temps, mais nous parlons maintenant le langage des carburateurs.
Les monts célestes en toile de fond
Nous voici au sommet du mont Ak-Tog, à 3481 m d’altitude. Le spectacle est absolument grandiose ! Les vastes prairies s’étendent à l’infini. En arrière-plan ? Les sublimes monts célestes aux cimes enneigées qui eux culminent à 6000-7000m d’altitude. Derrière ces sommets du Tian Shan, il y a la Chine d’un côté et le Kazakhstan de l’autre. Nous reprenons notre odyssée aux confins du Kirghizistan. Les éleveurs ont laissé place aux marmottes. Plus timides, elles sprintent dans leur terrier à notre vue. Comble de l’impolitesse, elles ne répondent pas à nos coucous de la main. T’imagines ça, toi ?
En redescendant, nous profitons d’un panorama unique sur la rivière Sary Jaz. La vue de ses rives teintées de blanc et de gris évoque une étendue glacée. Mais c’est une illusion optique. C’est en fait la couleur du sable qui lui donne ses airs de Baïkal figé. Fantastique !
Engilchek, une étrange ville fantôme
Après une dernière série de montagnes russes dans ces panoramas incroyables, nous rallions une portion de bitume. L’objectif ? Attaquer la piste 10 du guide d’aventure d’Ountravela dédié au Kirghizistan. Et là, c’est une autre paire de manches ! L’histoire débute pourtant merveilleusement bien. Alors que nous traversons un canyon, nous découvrons Engilchek au détour d’un virage. Cette ville fantôme à l’atmosphère post-apocalyptique a connu son heure de gloire grâce à l’exploitation de la mine d’étain toute proche. Sauf qu’avec l’explosion du bloc soviétique, elle fut presque complètement désertée. Bâtiments collectifs en ruine, héliport en proie à la végétation, engins de chantier abandonnés : tout ici rappelle le faste révolu de cette ville industrielle. La scène surréaliste ? Cette œuvre artistique qui met en scène des épaves de voiture dans ce dédale de béton. Du pur Mad-Max !
Après avoir traversé l’ancienne piste d’atterrissage, passé un premier checkpoint militaire pour pénétrer accéder à cette zone frontalière à la Chine, puis un second pour accéder au parc naturel, nous entrons dans le dur.
Le camp de base d’At-Jailoo se mérite
Au programme de cette piste 10 ? Du technique à souhait : à flanc de montagne, en bord de rivière, les éboulis sont légion… La caillasse nous donne du fil à retordre compliquant sérieusement notre progression. Notre parcours est alors rythmé par le tintement du sabot moteur allègrement percuté par d’espiègles rochers. Mais ? Tant bien que mal, nous voyons le glacier au loin se rapprocher. Les derniers kilomètres nous séparant du camp de base se déroulent sur un pan de montagne pentu au possible. Arpenter ces pistes en dévers est à la fois rigolo et flippant. Rigolo car nous prenons des angles indécents et flippant au vu du ravin qui nous attend en cas d’erreur. On serre les fesses !
Ultime étape de ce périple minéral ? Le camp de base d’At-Jailoo. Nous voyons arriver à cheval trois enfants d’une dizaine d’années (ils sont tous petits comparé à leur monture). Ça rigole, ça fait la course mais surtout ils poursuivent un yak qui s’est fait la malle. Au loin nous admirons le glacier Engilchek, entouré par les pics Khan Tengri et Pobédy, point culminant du pays. Les deux sommets dépassent les 7000m d’altitude. Un spectacle splendide !
Exploration des pistes des monts ensoleillés en side-car Ural et Lada Niva
Des gorges de la Chu au parc de Chong Kemin
C’est parti pour les pistes 2 et 3 du guide d’aventure d’Ountravela sur le Kirghizistan ! Nos compères de voyage ? Toujours les mêmes : notre couple d’amis suisses-allemands en Lada Niva. Tout au nord du pays, la région que nous choisissons d’explorer est frontalière avec le Kazakhstan située au nord du lac Issyk-Kul. Notre programme ? Parcourir près de 250 bornes de sentiers plus ou moins bien entretenus avec comme objectif ultime de rencontrer Issa, un éleveur semi-nomade de chevaux.
Nous quittons alors la sublime route asphaltée ondulant dans les gorges de la Chu pour pénétrer dans la vallée de Chong Kemin. Parc naturel oblige, l’entrée dans cette zone protégée ne se fait que moyennant présentation des passeports et paiement de frais d’accès. Nos premières impressions ? C’est sublime. La piste caillasseuse mais roulante nous mène au travers de superbes paysages minéraux. S’en suit un bivouac génial au bord du petit lac Jashyl-Kel’. Une nuit reposante à l’ombre d’un arbre bercée par les ploufs acrobatiques des truites voisines.
L’Ural serait-il plus fiable que la Lada ?
Le lendemain, devine qui a des pépins mécaniques ? Et non, ce n’est pas l’Ural ! Les grosses caillasses sur ces pentes ardues auront eu raison d’un silent bloc retenant la ligne d’échappement de la Lada. Heureusement, nos compagnons helvètes sont prévenants : ils ont la pièce de rechange. 2ème checkpoint. Pour qui ? Pour quoi ? On ne sait pas trop. Toujours est-il que nous n’avons d’autres choix que de nous dédouaner de 700 soms supplémentaires (7€).
C’est à ce moment que les décors deviennent magiques. Le canyon plutôt minéral laisse place à de vastes vallées verdoyantes. Quel pied ! Les marmottes détalant à notre vue nous font toujours autant rire. Ces animaux bien dodus ne sont clairement pas les rois du 100m.
Du technique, de la caillasse et des pneus route
Après une traversée de forêt et une ultime grimpette, nous voici au check point militaire final. Permis frontaliers, passeports, carte grise, tout est vérifié. Ce que ça signifie ? Nous sommes maintenant au plus près du Kazakhstan. Les choses sérieuses commencent ! Nous attaquons maintenant la piste 3 du guide d’aventure d’Ountravela ! Pour ton info, les tracés sont classés de 1 à 5 selon leur niveau de difficulté. 1, c’est du sentier roulant et 5, c’est du technique bien chiadé. Là, on se lance sur du niveau 4. Tu vois le délire ?
Nous comprenons assez rapidement ce qui vaut ce classement. En effet, cette piste mal entretenue est régulièrement soumise aux éboulements qui sont plus ou moins correctement retassés. Une grimpette caillasseuse, notamment, nous complique la vie. L’Ural manquerait-il de pêche ? Que nenni ! Seulement, pour des raisons de budget et de logistique, nous sommes chaussés en pneus route. Et t’as beau faire tout ce que tu veux, un gommard lisse offre une traction très limitée sur cette caillasse non compactée.
Après un peu de gymnastique synchronisée à 3 personnes, nous venons à bout de l’obstacle pour en prendre plein les mirettes. Entourés de montagnes, nous contemplons la beauté de cette nature quasi-immaculée à 2200m d’altitude. Il faut dire que dans cette zone très isolée, seuls les bergers les plus téméraires viennent planter la yourte.
L’Ural en mode sous-marin
Le subtil piment de cette piste ? Les passages à gué. Et oui, il faut bien que l’eau de fonte des neiges s’écoule des sommets jusqu’à la rivière Chong Kemin que nous longeons. Nous enchainons alors ces sessions aquatiques sans souci jusqu’à un ruisseau légèrement torrentiel. L’eau arrive seulement à hauteur de genou mais le courant est puissant. En fait, c’est surtout ça qui nous pose question : le débit. L’Ural peut-il se faire emporter ? Le panier risque-t-il de se soulever ? Nous jouons la sécurité et décidons d’atteler Gobi à la Niva Diva. Marion, version suisse, leste le panier alors que Marion uralistanaise filme les opérations avec un regard mêlé d’amusement et d’inquiétude.
Résultat ? Tout se passe à merveille. On aurait même pu le tenter sans assistance. Mais bon, prudence est mère de sûreté. C’est ainsi que nous continuons notre ascension, nous rapprochant plus en plus de notre hypothétique rencontre avec l’éleveur semi-nomade.
Tout ça pour rien ?
Arrivés au sommet d’une montagne, nous faisons face à un second cours d’eau tumultueux. La petite surprise ? Le pont permettant de le traverser est effondré. Fichtre ! Passer à gué s’envisage mais l’entreprise est risquée. Nous allons alors glaner des informations auprès d’un berger non loin. « Il y a d’autres passages à gué après ? Des bien plus profonds. » nous répond-il. Ok… « Et tu sais si Issa est chez lui ? Il est à la ville. » Et oui, dans semi-nomade, il y a semi. Pas de chance pour nous… Un peu déçus, nous faisons demi-tour. Cette aventure serait-elle absolument vaine ? Niet ! Car entre les paysages incroyables, nos traversées sous-marines et nos bivouacs rythmés par le cri des aigles, cette épopée a valu son pesant de cacahuètes.