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Road-trip à moto en Turquie, Anatolie orientale et centrale (1/2)

    Turquie, nous revoilà ! Après avoir découvert la région de Marmara, s’être perdus dans Istanbul puis avoir arpenté les régions de la mer noire, nous nous aventurons maintenant en Anatolie orientale ! Au programme de cet article ? Le kurdistan turc, une cité arménienne millénaire, des reliques antiques, une piste piégeuse et des bivouacs aquatiques. Bonne lecture !

    Itinéraire de notre road-trip en Anatolie orientale et centrale

    Carte de notre Road-trip moto en Turquie, Cappadoce - URALISTAN

    Voyage en Anatolie orientale à moto, de la frontière géorgienne au lac de Van.

    Ani, la ville aux mille et une églises

    Nous voici de retour en Turquie pour découvrir l’Est du pays ! Nous reprenons notre exploration avec le fief de Flash McQueen : Kars. Une ville sympa, avec quelques jolies architectures ici et là. Mais c’est surtout le site archéologique UNESCO d’Ani qui nous intéresse. La « capitale de l’an mille ». Sous cet alias accrocheur se cache en fait les ruines d’une cité médiévale arménienne ! Capitale du royaume d’Arménie des Bagratides, cette ville fortifiée a accueilli jusqu’à 100 000 habitants.

    Une muraille, une mosquée, un palais, une église… il ne reste aujourd’hui que des ruines au milieu d’un décor désertique, surplombant un canyon. L’atmosphère y est unique. Ce qu’on admire ici ? La façon dont les bâtisseurs ont su exploiter le relief accidenté pour rendre la « ville aux mille et une églises » imprenable ! Vauban aurait été fier !

    Mont Ararat et Ishak Paşa, un palais labyrinthique

    Après un passage par Iğdir, nous longeons le mont Ararat. Recouvert de neiges éternelles, ce volcan éteint – et accessoirement le point culminant de Turquie – a vraiment quelque chose de mystique. D’ailleurs, tu connais la légende biblique ? C’est à son sommet, à 5137m d’altitude, que l’Arche de Noé est censée s’être échouée. On peut aussi ajouter que ce mont est le symbole de l’Arménie.

    Et nous voici au palais Ishak Paşa. Majestueux, immense, incroyable !! Les mots manquent pour qualifier la démesure de ce sublime labyrinthe. Ce qui nous impressionne le plus ? Le nombre de pièces : 366. Au passage, on note que 24 d’entre elles étaient réservées au harem. Le gouverneur de la province savait comment occuper les longues journées dans ce désert aride.

    À deux pas de l’Iran

    Nous continuons à arpenter les pistes et les petites routes au cœur de somptueux décors ruraux montagneux. Nous traversons deux ou trois villages d’une vingtaine de maisons. Celles-ci, ont des toits plats parfois couverts de végétation. Dans la plupart des cours, des espèces de briques de bouse sont stockées et forment des monticules ou délimitent les terrains. On sent que l’hiver doit être rude.

    C’est parti pour prendre un peu de hauteur. Nous sommes à quelques kilomètres de la frontière iranienne. On observe très clairement la haute barrière logeant une zone de no man’s land. Puis, au détour d’un village, un fermier nous fait signe de nous arrêter. Que veut-il ? « Yasak. Yasak ». Notre vocabulaire turc est très pauvre, mais par chance, nous connaissons le mot Yasak qui signifie interdit. Le message est clair : demi-tour.

    Après avoir fièrement passé un col à 2700m, nous voilà devant les cascades de Muradian. Bon, on va être honnête, ça casse pas trois briques à un canard. Et si tu roules dans les environs, tu peux facilement zapper cette visite. Ici et là, nous passons des nombreux check-points tenus par des militaires ou des gendarmes (toujours sympathiques). Un bref contrôle des passeports, voire pas de contrôle du tout à la vue de notre plaque française, et nous voilà repartis. Le Kurdistan, zone frontalière à l’Iran, la Syrie et l’Irak, est particulièrement surveillée.

    Lac de Van

    Nous longeons le lac de Van tout en profitant des lumières du coucher de soleil. Superbe ! Nous arrivons dans la ville de Van après le coucher du soleil et impossible de trouver un hôtel dans nos prix. Fatigués, nous décidons de casser la tirelire. Au moins, nous dormirons confortablement et aurons une bonne douche chaude réconfortante ! 

    Lever de soleil vers 8h–8h30 et nuit vers 17h… Rouler en novembre n’est pas évident, surtout en altitude (1640m). Les journée sont très courtes et les nuits frisquettes voire glaciales (nous évitons de camper en deçà de 5°C, si les nuits sont trop froides, le sommeil n’est plus récupérateur). Cela nous oblige à opter plus souvent pour une nuit à l’hôtel ou en guesthouse. Si manger dans un boui-boui ne coûte absolument rien, les hébergements quant à eux explosent notre petit budget.

    L’astuce pour économiser quelques euros ? Négocier les prix. Certes, la marge de manœuvre est souvent mince mais cela permet de gagner 50 à 100 livres turques, soit 2,5€ à 5€. Et puis quand le petit-déjeuner est compris, nous sautons un repas.

    Immersion au cœur du kurdistan turc

    Du lac de Van à Batman, une odyssée par les pistes

    Il y a deux solutions pour rallier Van à Batman : l’autoroute et la route des montagnes. Devine laquelle nous choisissons ? Nous traversons alors de majestueux canyons et d’incroyables gorges creusées entre les montagnes. C’est magique ! Puis, la sympathique route panoramique se transforme en piste de la mort. Dénivelés indécents, caillasse à gogo, virages en épingles. Tout ce qu’on aime !!

    Notre première tentative pour passer le col se fait par la piste que l’on appellera A. Le souci ? Une grimpette nous donne du fil à retordre. Quasiment 3km à parcourir sur des pentes caillouteuses, avec un généreux 15% de déclivité, le tout à 2000m d’altitude ! C’en est trop pour Gobi, demi-tour.

    Deuxième essai par le sentier B. Rapidement, nous faisons face à un tremplin des familles. Le genre de grimpette qui ne laisse pas de place à l’erreur. Le danger ? Caler en cours de route. Sur ce revêtement terreux, les freins ne pourront pas immobiliser la machine, nous entamerions alors une redescente involontaire à l’issue incertaine. Demi-tour.

    Dernière solution ? Le sentier C qui serpente à flanc de montagnes. Nous enchaînons les virages en épingle à fond de première en serrant les fesses pour ne pas perdre de gouache. On est enfin au sommet. Ouf !! Mais le soulagement est de courte durée. Le souci ? Un glissement de terrain… Demi-tour. Blasés, nous alpaguons un berger. « Pervari, c’est par où? » Il nous indique la route B. Celle au tremplin… Il faut se rendre à l’évidence : on ne vas pas y louper. Qu’à cela ne tienne !! Au pied de l’obstacle, Marion descend et se positionne au milieu de la pente en cas de pépin. 30 mètres de prise d’élan. 1ère. 2nde. On serre les fesses !! Gobi ne faiblit pas. Les secondes sont interminables.. Et finalement, nous franchissons l’obstacle ! On peut souffler…

    Une police omniprésente et bienveillante

    Nous rallions enfin la ville de Pervari, non sans mal et à deux doigts de la panne sèche. Nous aurons parcouru 120km sur les 300km prévus… Nous faisons halte devant un resto. Intrigué, le tenancier vient nous voir. On lui demande dans un anglais simplifié : « Hôtel ? » Ce à quoi il nous répond : « je vous emmène à un hôtel, mais d’abord, je vous offre un thé ». Marché conclu. Un çay. Deux çay. Puis, il nous guide à pied dans les rues de cette petite ville de 6000 habitants.

    Au guichet de l’hôtel, 3 policiers en civil, nous accostent. L’échange est super détendu. « Vous venez d’où ? Vous allez où ? Ça a été la route ? » Nous leur répondons avec le sourire. Nous comprenons assez rapidement qu’ils cherchent à savoir pourquoi diable nous sommes ici, mais d’une manière bienveillante ! Pourquoi ces précautions ? Nous sommes au cœur du kurdistan turc et on peut dire que les relations entre kurdes et les gouvernements du coin sont pour le moins tendues. D’ailleurs Erdogan a récemment entrepris d’envoyer des preuves d’attention explosives aux kurdes d’Iran, d’Irak et de Syrie. Ces représailles – suite à l’attentat perpétré récemment à Istanbul – rendent cette zone sensible. Notre entretien s’achèvent par : « si vous avez le moindre problème, le poste de police est à 200m ».

    Le lendemain, nous débutons la journée par une petite vidange des cuves de carburateurs dans la rue. Notre petit bricolage ne passe pas inaperçu et rapidement nos amis policiers réapparaissent toujours habillés en civil : « Vous avez un souci ? » Euh, bah, c’est vrai qu’un point de soudure sur notre porte-bagage maison serait le bienvenu. Ils nous emmènent au ferrailleur 50m plus loin. Un coup de MIG, une lichette de meuleuse et nous voilà repartis. Coût de l’opération ? Rien. La bienveillance turque est sans égale (policiers compris).

    Un bivouac nautique inoubliable

    Nous sommes redescendus en altitude et les températures s’adoucissent. Le mercure nocturne ne descend pas sous les 5C°. C’est le seuil que l’on s’est fixé pour bivouaquer. Notre spot ? Une aire de pique-nique juste à côté du somptueux pont de Malabadi datant du 12ème siècle (plus grand pont à arcade du pays). 2,50€ la nuit. On adore ces piknik alanı. Sauf que ! La météo est exécrable. Et ce qui devait ressembler à une paisible retraite spirituelle en tente se transforme en séjour sub-aquatique.

    Nous restons deux jours à patauger en attendant que le déluge cesse. Tout ça pour quoi ? Pour affronter une drache d’anthologie. 270 bornes sous la flotte… C’est long ! Frigorifiés et détrempés, nous atteignons enfin Karadut.

    Nemrut Dağı et ses environs, un site qui vaut le détour !

    Sur les traces des dieux grecs

    La particularité de cette ancienne région de Commagène ? Traversée par le mythique Euphrate, elle abrite de nombreuses reliques antiques. Nous débutons avec le mont Nemrut Dağı. Ce sommet, perché à 2203m d’altitude, abrite les ruines du monument funéraire du roi Antioche 1er (1er siècle avent JC), classées UNESCO. Nous y admirons les sculptures monumentales d’Heraclès, de Zeus ou encore d’Apollon, cernant un tumulus. Majestueux !!

    Ce qui est encore plus fou ? Le panorama génial. Les montagnes enneigées font barrage aux nuages. Au loin, le cours de l’Euphrate. Ce site offre un vrai plongeon dans l’histoire de la Grèce antique : les fleuves mythiques, les dieux, demi-dieux et toutes leurs légendes, on est en plein dedans !!

    Puis nous empruntons une petite route géniale pour continuer cette odyssée divine avec la grotte d’Arsemia. Ce lieu magique abrite un relief représentant la poignée de main entre Hercule et Antioche. Nous admirons aussi des gravures sur pierre racontant un morceau de cette mythologie. Ces runes ont été gravées il y a plus de 2000 ans !

    Après un passage par le pont romain de Septime Sévère datant du 1er et 2ème siècle, nous rallions le Tumulus de Karakuş. Au fait, c’est quoi un tumulus ? Un nuage ? Pour faire simple, c’est une montagne-tombe. Ou si tu préfères : une colline sépulture. En l’occurrence, ce sont les corps de la reine Isias et de la princesse Antioche, qui reposent sous ce gigantesque amas de cailloux funéraire, depuis plus de deux millénaires. Inouï !

    Un camping d’anthologie entouré par des Kangals

    Prochaine étape : La Cappadoce ! 550 bornes à avaler sur 3 jours de roulage. Et au vu de notre budget serré, on va devoir repartir en mode bivouac même si il fait moins de 5 degrés la nuit. C’est bon pour la circulation sanguine, non ?
    1ère halte camping dans un jardin de thé sous les arbres fruitiers. On réveille le tenancier qui pique un roupillon. Il nous offre le thé. Les mots manquent pour communiquer. Alors on passe la soirée au coin du feu à regarder une télénovela turque ensemble. Il semblerait que comprendre les dialogues ne soit pas crucial…

    2ème halte à Göksun. Et là, c’est folklo ! Pourquoi ? En arrivant sur l’aire de pique-nique municipale, un agent d’entretien nous annonce que poser la tente est interdit. « Allez demander à la mairie », nous conseille-t-il. Qu’à cela ne tienne. Nous arrivons à ce bâtiment que l’on pourrait qualifier de monumental. Et là, c’est hilarant ! Nous sommes reçus en grandes pompes par des élus en costard. Dans un vaste bureau, une réunion est improvisée avec 4 employés de la mairie. Euh, on veut juste planter la tente, nous… On nous offre le thé pendant que ces braves gens semblent faire des pieds et des mains pour nous dégoter un lieu où camper. 3 çay, 10 coups de téléphone et 30 minutes de tergiversations absolument inintelligibles plus tard, ils se mettent d’accord : « Suivez cet agent, il va vous montrer où camper ».

    Nous voilà de retour à l’aire de pique-nique, sauf que cette fois ci, notre guide nous ouvre l’accès à une zone où se situent plusieurs bungalows. Nous proposons un peu d’argent, non non c’est gratuit. Notre gage de sérénité pour la nuit ? Les deux molosses du gardien des lieux, mis en laisse juste à côté ! Deux kangals bodybuildés aussi imposants qu’amicaux (le couple de gardiens aussi d’ailleurs).

    Nous passons la 3ème nuit dans le jardin d’un restaurant à 100mètres de Soğanlı, aux portes de la Cappadoce. Pas d’électricité mais un poêle à bois pour nous réchauffer et deux compagnons à quatre pattes hilarants (avec une tendance à aboyer au milieu de la nuit, pas très agréable).

    Notre exploration de l’Anatolie orientale touche à sa fin. Ce qu’on en retiendra ? Sa richesse culturelle mêlant histoire et présent kurde, un passé arménien, romain, grecque… Une hospitalité toujours aussi chaleureuse. Nous sommes à mille lieux des sites touristiques, au cœur d’une Turquie plus traditionnelle. Prochaine étape ? La Cappadoce avec ses paysages irréels et ses cités troglodytes. Tout un programme ! Bonne route à toi !
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