Le Kirghizistan est sans doute LE pays qui nous a le plus étonné. Ce que nous y avons découvert ? Des pistes sublimes, des nomades à cheval, un chasseur à l’aigle et surtout : des paysages verdoyants. Il faut dire qu’après des milliers de kilomètres de steppes kazakhes et mongoles, nous étions en cruel manque de verdure. Au menu aujourd’hui ? Nos premiers tours de roue sur les traces concoctées par nos amis d’Ountravela ! Voici le premier des 3 épisodes dédiés à la terre du nomadisme par excellence . Bonne lecture !
Conduire au Kirghizistan ou info à savoir
Assurance
L’assurance véhicule est « officiellement » obligatoire depuis 2018. Bon… dans les faits, rares sont les locaux en ayant une. Un éventuel accident se réglant par la négociation. Nous concernant ? Nous avons souscrit un contrat moto à Bishkek (NSK, 857 som pour un mois). Ce fut toute une aventure pour trouver une agence assurant les deux-roues mais les locaux furent très aidants.
Conduite locale
Rien à signaler. Évidemment, dans ces contrées lointaines, le code de la route est une notion assez vague. La conduite repose donc sur le contact visuel avec les autres usagers. Attention par contre : le Kirghize des villes peut être sanguin, voire carrément dangereux. Garder son calme n’est pas toujours chose aisée.
Réseau routier
Comme pour la Mongolie, c’est assez binaire. Les axes principaux sont dans un état correct, mais dès qu’on les quitte, cela devient de la piste.
Qualité de l’essence
Disons que, globalement, le sans-plomb est correct. Le 98 est rare dans le pays. Hors des villes, il ne faut pas espérer mieux que du 95 (et encore) et la qualité n’est pas top…
Boire ou conduire
Tolérance 0.
Étape majeure de la route de la soie, le Kirghizistan était pour nous une destination très attendue. Afin de profiter d’un itinéraire idéal, nous avons demandé conseil à des experts : Ountravela ! Ils ont arpenté ce pays durant plus de 10 mois afin d’y dénicher des pistes et des sites incroyables. Alors, autant dire qu’ils sont calés sur le sujet ! Si toi aussi tu désires visiter le Kirghizistan, nous te conseillons vivement leur livre de voyage recensant les plus belles pistes du pays. Découvrir leur livre » Explore Kirghizistan ».
Notre exploration de la région d’Issik et séjour à Bishkek
Karakol, le bonheur de retrouver de la végétation
Le passage de frontière est expéditif. À peine 30 minutes suffiront pour balayer les formalités, jeter un œil aux bagages et obtenir les précieux coups de tampon.
Nous enchainons ensuite nos premières bornes et rapidement une sensation agréable nous envahit. Pourquoi ? Nous retrouvons des arbres, de la verdure, de la vie quoi !! Quel bonheur. Les milliers de kilomètres à travers des steppes kazakhes et mongoles nous ont marqué. Nous traversons même des villages peuplés d’humains ! Ça va te paraitre étrange mais nous n’étions plus habitués à voir des gens se promener dans la rue, aller au marché, discuter sur un banc. Quel bonheur !
Bref, nous atteignons Karakol où nous plantons la tente dans le jardin d’une guesthouse. What ?? Oui, oui, c’est une pratique courante. Et c’est le deal rêvé pour nous. Tu bénéficies d’un tarif camping tout en profitant des commodités d’un hôtel. Parfait ! La ville est assez touristique pour que des restos à burgers s’y soient implantés. Et des burgers, c’est exactement ce dont nous avons besoin après des semaines de viande de mouton mongol.
Nous y retrouvons aussi notre petite famille de sidecaristes russes rencontrée au Kazakhstan. C’est dingue comment le fait de voyager sur un trois-pattes déclenche une amitié immédiate. Pourquoi on les adore ? C’est plutôt simple, on se dit qu’on aimerait bien vieillir comme eux. C’est vrai, ils arrivent à combiner vie de famille, voyage à bécane et découverte du monde sans chichi. Nous passons une superbe soirée ensemble à causer voyage, sidecar et à déguster du poisson pêché par leurs soins.
Notre escapade à la capitale
Cap sur Bishlek ! Mais avant de rejoindre la civilisation, nous faisons un petit crochet dans les montagnes. Nous suivons une piste en mauvais état, crapahutant dans une sorte de canyon. Tout ça pour quoi ? Pour profiter d’un spot de bivouac parfait. Blottis en fond de vallée, près du lit d’une rivière presque asséchée, nous y passons une nuit dans un silence absolu.
Nous voici maintenant à la capitale ! La liste des choses à faire ? Elle est longue. D’abord, nous y récupérons nos permis frontaliers. Et oui, certaines pistes que nous allons explorer jouxtent des pays limitrophes. Il est donc nécessaire de montrer patte blanche en demandant une autorisation spéciale.
À la capitale, nous contractons aussi une assurance pour l’Ural. Et si les agences sont nombreuses, celles couvrant les motos le sont nettement moins. Heureusement pour nous, les kirghizes sont très prévenants et c’est une banquière qui nous indique quel bus prendre et à quel arrêt descendre pour rallier la bonne agence.
Dans le même genre, tu connais la meilleure ? À la faveur d’un Boso Lagman récalcitrant, Jérémy développe un abcès gingival. Cap chez le dentiste ! L’accueil est super pro et avenant. En seulement 20 minutes, l’affaire est pliée. « Combien vous doit-on? », demande-t-on. « Rien. C’était vraiment bénin. » Décidément, les russo-kirghizes ont le cœur sur la main.
Mais, une autre raison motive notre passage à Bichkek : rencontrer Margaux en chair et en os. Qui est Margaux ? Tu la connais peut-être sous son alias Etonvaoùmaintenant. Elle aussi voyage à moto sur le long terme alors nous échangeons régulièrement pour se donner des conseils ou des bons plans dans les différents pays que nous traversons. Ce qu’on adore chez elle ? Sa capacité à rebondir. Une qualité indispensable en roadtrip au vu des différents conflits géopolitiques qui apparaissent un peu partout dans le monde.
« Issik Kul », des rives sableuses au canyon rouge
Après avoir relongé le lac d’Issik Kul, nous retrouvons nos amis suisses-allemands voyageant en Lada Niva, à l’ouest de Karakol. Le plan ? Arpenter ensemble les pistes du guide d’aventure savamment élaborées par nos amis d’Ountravela. Nous débutons avec la trace « Issik Kul », littéralement le « lac chaud » en kirghize. En fait, on ne se rend pas vraiment pas compte de son immensité. Presque 22 000 km², pardi ! Seule la chaine de montagnes en toile de fond permet de situer la berge opposée.
Sur les abords du lac Issik Kul, nous savourons de superbes pistes sableuses. Un vrai bonheur tant pour l’Ural que pour la Lada. La région au sud de Balykychy est moins touristique si bien que nous ne croisons que des troupeaux de chevaux. Fantastique ! La suite ? C’est dans les montagnes que ça se passe ! Nous serpentons maintenant à travers un étonnant canyon rouge. Le décalage avec les paysages que nous contemplions quelques kilomètres auparavant est saisissant.
La Lada Niva montrant quelques signes de fatigue, nous posons le camp en bord de rivière. L’avantage de voyager avec un 4×4 ? On profite du luxe de leur cuisine. Et ouais, en Ural, chaque cm³ compte et l’on ne peut pas se permettre de cumuler les poêles et les ustensiles pour faire la popote.
D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls à profiter de ce petit coin paradisiaque. Un groupe de kirghize en famille y a passé la journée. Ils ont même monté un terrain de volley (un sport très populaire ici). C’est l’occasion de faire un match suisso-franco-kirghize. Les moins sportifs jouent les curieux… Observation assidue du sidecar l’Ural et de la tente de toit perchée sur la Lada Niva, match, série de photos, commentaires rigolards incompréhensibles pour nous…
Un montage de yourte aux effluves alcoolisées
Le lendemain, lors d’un arrêt essence, un break surchargé s’arrête à notre côté. Nous échangeons des regards curieux. « Qu’est-ce-qu’ils trimballent sur le toit ? Une yourte en kit ?? » Ils nous invitent à les suivre. On ne se fait pas prier.
C’est alors que débute l’odyssée fantastique ! Avec leur lourd chargement et les 5 gaillards à bord, la garde au sol de ce navire de fortune ne dépasse pas les 10 cm. Et ça ne loupe pas ! Une caillasse arrache la ligne d’échappement. À peine dérangés, les gars sortent du véhicule, ficellent le silencieux sur le toit, et repartent. Puis, à la faveur d’un autre passage compliqué, c’est une durite d’essence qui se fait la malle. Idem, nos camarades ne semblent pas importunés pour un sou… Et ça rigole ! Cette voiture n’a-t-elle aucune valeur pour eux ? D’où leur vient cet optimisme ? Une partie de la réponse se trouve sur la banquette arrière sous forme d’une bouteille de vodka quasi-vide. Les gars sont en fait presque tous bourrés. Hilarant !
Tant bien que mal et après quelques redémarrages à la poussette, nous atteignons le spot idyllique où ils décident de monter la yourte. « Combien de temps vous faut-il ? », demande-t-on sur le ton du challenge. La réponse ? 20 minutes. 37 minutes plus tard, ce gîte en kit façon Ikea kirghize est complètement assemblé. Une efficacité surprenante avec 5 grammes dans chaque poche !
Le canyon des rivières oubliées
Nous continuons notre exploration hors des sentiers battus. Le sentier devient plus technique. Les ravins creusés par l’eau de ruissellement venant des montagnes nous donnent du fil à retordre. Le moment fort de cette aventure ? Le canyon des rivières oubliées. Nous roulons alors dans le lit asséché d’un cours d’eau qui jadis devait être torrentiel. Les parois rocheuses qui nous entourent nous délectent de jolies teintes ocres, exhibant les multiples strates qui les constituent. Hirondelles et rapaces trouvent refuge dans cette terre particulièrement meuble.
Mais ? Une drache des familles s’abat. Cette pluie soutenue d’orage commence à ruisseler abondamment sur le sentier que nous explorons. Euh, il ne faudrait pas que la rivière oubliée se décide soudainement à refaire surface, hein ? L’aventure prend alors une autre tournure. Le niveau de l’eau grimpe. Le sol est de plus en plus meuble. Après de longues minutes à se demander comment nous arrivons à se mettre dans de telles situations, nous retrouvons enfin l’asphalte. Ouf !
Notre rencontre avec un chasseur à l'aigle
Notre visite chez Aitoo
Nous rallions le camp de yourtes d’Aitoo, nous sommes détrempés. Qui est Aitoo ? C’est l’un des derniers chasseurs à l’aigle du pays. Pour te dire, ils ne sont plus qu’une vingtaine à perpétuer cette tradition millénaire kirghize ! Il faut dire que sa prohibition durant l’ère soviétique a failli l’anéantir complètement.
Aitoo, c’est le gars humble, fier et serein. Des qualités qui semblent essentielles quand on a un rapace aussi impressionnant au bout du bras. Intarissables, nous lui posons moult questions. En voici quelques unes :
- À quel âge récupérez-vous l’aiglon ? Quand il a seulement quelques mois. Il faut alors sagement patienter autour du nid, et attendre que les parents soient tous les deux absents pour aller prélever l’animal. Au passage, seules les femelles servent à la chasse car elles sont plus costaudes que les mâles.
- Combien de temps dure l’entrainement ? Des années ! Puis, à l’âge de 25 ans, l’aigle est relâché pour passer une paisible retraite dans les montagnes. Sa durée de vie est d’environ 40-50 ans.
- Notre dernière question concerne la relation qu’il entretient avec son aigle. Sa réponse est surprenante, car Beren, le rapace d’Aitoo, le considère comme son père. C’est étonnant de voir comment il lui parle pour la rassurer. D’ailleurs, cette relation est tellement forte que lorsqu’elle attrape une proie, elle la tue, mais attend son père d’adoption pour la manger.
S’en suit une démonstration avec un faux lapin puis un vrai. Le regard perçant, les serres acérées, la trajectoire précise : l’aigle est l’incroyable résultat de milliers d’années d’évolution à affiner la technique de chasse. Nous passons la nuit et une matinée avec la famille d’Aitoo. L’occasion de découvrir le mode de vie rural kirghize et de profiter du cadre extraordinaire des montagnes verdoyantes.