Tout ce que nous connaissions du Kazakhstan était lié à l’immensité des paysages. C’est vrai, finalement assez peu d’images nous viennent en tête lorsqu’on l’évoque. C’est un pays mystérieux voire inconnu. Bref, nous étions curieux et impatients de l’explorer.
Alors ? Nos premières impressions ? Nous y avons trouvé tellement de belles choses. Bien sûr, les vastes paysages à priori vides ont ravi notre goût des grands espaces, nos bivouacs y sont sereins et sublimes, et surtout, les kazakhes font preuve d’une bienveillance enthousiaste. Même si parfois les journées sont longues, une certaine affection nous lie maintenant à ce territoire et à ses habitants. Dans cet article, nous te racontons la première partie de notre traversée Ouest-Est kazakhe de plus de 4100 km en side-car Ural. Bonne lecture !
Conduire au Kazakhstan ou info à savoir
Assurance du véhicule
Il est obligatoire de souscrire une assurance locale qui vous couvre au-tiers. Nous l’avons contracté dans une petite guérite juste après le poste frontière. Tout s’est fait facilement. Des routiers turcs nous ont même aidé à faire la traduction. Le prix ? 9518 TENGUES soit une vingtaine d’euros pour un mois.
Conduite locale
Globalement, le kazakh est plutôt respectueux et courtois. Aucune conduite dangereuse à signaler. Il faut ajouter que la circulation est peu dense. A chacun de nos arrêts en bord de route, des automobilistes s’arrêtent pour s’assurer que tout va bien pour nous. Notre Ural y est peut-être pour quelque chose, mais il semble qu’il y ait une vraie solidarité dans l’immensité des steppes. Évidemment, c’est une autre paire de manches dans les agglomérations où l’on retrouve des comportements presque parisiens.
Réseau routier
Il semblerait que le gouvernement ait mis les grands moyens durant le covid pour rénover ses axes principaux. En effet, sur les routes que nous avons emprunté, l’asphalte était en assez bon état voire très bon. Seule section galère ? Depuis la frontière russe jusqu’à Atyraou. Actuellement en rénovation, on alterne entre bitume tout neuf et piste de caillasse ravinée au possible. Dès que l’on quitte les grands axes, l’asphalte laisse rapidement place aux pistes. Dans le peu de villes que nous avons traversé, c’est tout de suite plus aléatoire. Voies en construction, patchwork de nids de poules et goudrons récents cohabitent.
Qualité de l’essence
Rien à dire. Le sp95 était impeccable.Boire ou conduire ?
Tolérance zéro quant à l’alcool au volant.Un passage de frontière couronné de succès pour l'Ural. Des chameaux !!
Un passage de frontière détendu et sympathique
Après un transit expéditif de 3 jours en Russie, nous voici devant le poste frontière kazakh. 12h36, c’est la pause déjeuner. La poisse ! Le flot de voiture est au ralenti. Dans la file d’attente, nous rencontrons des ouzbeks, des turcs et des azerbaïdjanais. Ce qui nous fait rire ? Les regards médusés lorsque nous annonçons notre itinéraire. Les gens peinent à croire que nous roulons depuis la France avec cette bécane. 14h40. Deux heures se sont écoulées. Nous atteignons enfin le premier guichet. L’ambiance est carrément détendue. Une brève inspection d’un sac suivie d’un « roulez jeunesse » de la main.
Exit la Russie. La suite ? Hilarante. Le douanier kazakh, qui parle étonnement bien anglais, est très enjoué par notre aventure. Le contrôle des bagages se résume à un rapide coup d’œil à l’intérieur du top-case. Puis, il prend le temps de nous écrire le lexique de survie en Kazakh. « Bonjour, merci, au revoir », il note tout sur notre téléphone. Il nous fait même travailler le R rouler de Rharmet (merci). Le comble ? Il nous offre un snickers. Génial !
Le capital sympathie Ural à son paroxysme (et puis ça se voit sur nos tronches que nous ne sommes pas du coin)
Une fois en terres kazakhes, Gobi est la star. Les selfies s’enchaînent. À peine le temps de contracter l’assurance pour la bécane qu’une dizaine de personnes se sont groupées autour du trois-pattes. Ça disserte en turc, en ouzbek et en kazakh. Certains mots semblent universels comme carbu et cardan.
Nous reprenons enfin la route. Les paysages ? Désertiques. Peuplés de vaches, chevaux et moutons en liberté. Magnifique ! Nos congénères bipèdes ne courent pas les rues. Ici et là, nous apercevons des villages aux maisons en terre. Et enfin… le moment tant attendu arrive. La rencontre du troisième type à une ou deux bosses. Vois-tu de quoi nous parlons ? Des chameaux pardi ! Nous dérangeons un troupeau alors qu’ils ruminent tranquillement. Qu’est-ce-que c’est costaud comme bête ! Le camélidé, tu n’as pas envie de le taquiner, avec ses cuisseaux dignes de bodybuildeur stéroïdé.
En "route" vers Peptropavl au nord du Pays pour rejoindre l'usine Ural
De Qur Manğazı à Atyraou, un calvaire routier
Le programme aujourd’hui ? Rallier la ville d’Atyraou. Sur le papier, les 250 bornes ne nous font pas peur. Sauf que la route est partiellement en construction… Les 100 premiers kilomètres permettent de constater l’état avant rénovation : une cata ! Cette caillasse nous bringuebale dans tous les sens. Pour exprimer son mécontentement, Gobi nous joue une délicate cacophonie de cliquetis et de bruits indéterminés. L’astuce pour éviter ce supplice ? Emprunter les pistes dans les dunes. Parallèles à la route, elles ont l’avantage d’être beaucoup plus douces car recouvertes de sable. On prend même du plaisir à s’imaginer en étape du Dakar !
Petite entorse à l’itinéraire ? Nous nous autorisons un crochet pour goûter l’eau de la mer caspienne. Nous découvrons alors un petit village de pêcheurs habité par quelques side-cars Ural. Oui, oui ! En plus ou moins bon état, ils revêtent le rôle premier du trois-pattes : un véhicule utilitaire. Mention spéciale pour ce magnifique spécimen au coloris 50 nuances de rouille. Splendide !
Et nous voilà à mi-chemin. Nous rentrons alors vraiment dans le dur. Pourquoi ? Il n’y a plus d’alternatives sableuses. Les sections de route neuve alternent avec les portions de pistes caillasseuses parallèles au chantier. Jérémy en prend plein les bras. Au guidon, les poignets, les épaules et les coudes sont mis à rude épreuve. Le plus dur psychologiquement ? On ne sait pas combien de temps va durer chaque section pourrie. 1km ? 5km ? 20km ? Nous prenons notre mal en patience et croisons les doigts pour que la route jusqu’à Petropavl ne soit pas dans cet état. Finalement, après avoir hésité à camper au bord de la route, nous rallions Atyraou. Un döner et au dodo.
Gobi et ses caprices : nouvel épisode
Nous quittons Atyraou sous une bonne drache des familles et un généreux zef latéral. En bonus, les routes n’évacuent presque pas la pluie. Résultat ? À chaque camion que l’on croise en sens inverse, on se prend trois seaux d’eau dans la tronche. En 30 minutes, on est trempés jusqu’aux os. Cerise sur le gâteau, Gobi recommence son caprice : plus de pêche, plus de couple, ça pétouille.
« Gobi, dis-nous ce qui ne va pas stp !! ». Et là, miracle : il envoie un signe ! Le collecteur d’échappement gauche est recouvert d’eau. Avec la chaleur des explosions, il devrait être sec. On comprend alors qu’il ne tourne plus que sur un cylindre ! Bon alors, il n’y a pas de quoi se réjouir mais au moins, ça explique son comportement erratique. Je met la main sur l’anti-parasite. Ça chatouille, ça frétille, ça picote. Quelque chose cloche. On s’arrête sur le bas côté. Le constat ? L’anti-parasite est plein d’eau. L’étincelle se faisait donc un peu partout sauf dans la chambre de combustion. Un coup de nettoyage, un beignet aux choux et c’est reparti !
Le soleil fait son apparition. Nous enchaînons ainsi 200 bornes sous de meilleures hospices. Fait intéressant (ou pas) ? Les nombreux troupeaux de chevaux que l’on voit forment des petits groupes serrés immobiles. Comme si, ils organisaient des discussions. « -T’as goûté l’herbe près du poteau là-bas ? -Non, la meilleure, c’est celle près du talus »
En fin de journée, nous décidons de bivouaquer un peu au pif. Le spot ? Un lac entouré de marais à pâture. Après avoir manqué de nous enliser nous posons la tente sur un bout de terre sèche. Le spectacle est absolument magique. Autour de nous s’étend une vaste plaine marécageuse. Au loin, les chevaux en liberté galopent joyeusement. Nous les observons jouer dans l’eau et se courir après. Les pâtes lyophilisées prennent alors une tout autre saveur. Bref… Il est 20h, nous pénétrons dans notre spacieux 3m² pour passer la nuit bercés par les cris d’une horde de mouettes et d’échassiers.
Selfies en série et quarts d’heure Ural
Notre but aujourd’hui ? Atteindre Aktioubé. La route est rectiligne au possible et étonnement en super état. Aujourd’hui, encore plus que les autres jours, Gobi a la côte. Les pompistes prennent des selfies, les camions qui nous doublent klaxonnent, on nous arrête même pour nous demander une photo. Le comble ? Ce groupe d’une quinzaine d’étudiants qui s’est amassé autour de l’Ural et Marion, alors que Jérémy était parti faire des courses. Énorme !
À 50km d’Aktioubé, nous retrouvons des routes défoncées. Si bien que nous arpentons de nouveau les pistes de sable parallèles. Nous posons le bivouac à proximité de deux étangs avec une vue magnifique sur les steppes vallonnées. 21h, dodo. La journée de demain s’annonce sportive.
En rade au milieu de nulle part
Pile-poil lorsque le compteur kilométrique passe le seuil des 69 000 km, un nuage de fumée sort de l’avant de la bécane. Elle cale. C’est pas bon… On s’arrête sur le bas côté. Casse moteur ? Gobi n’aime-t-il simplement pas vieillir ? Deux motards kazakhs à qui nous avions proposé notre aide 5km plus tôt s’arrêtent. Karma, quand tu nous tiens ! Ils nous donnent leur numéro de tel : « un souci et tu nous appelles ». On adore cette solidarité !
Nous commençons le diagnostic. Le moteur tourne au kick. Ouf, ll n’est pas serré.. Tension batterie ok. Le démarreur n’a aucun effet. Pas d’étincelle à la bougie. Souci électrique ? Fusibles ok. Mais une étrange odeur de cramé émane du phare. On ouvre. Et on comprend tout de suite. Le plastique isolant un câble s’est vaporisé. Heureusement, il semblerait que seulement un fil soit endommagé, et non un incendie généralisé. On shunte la partie cramé, on pose une cosse et on teste. Résultat ? Ça tourne !! Plus de peur que de mal. Mais quand même, remplacer une partie du faisceau électrique ne serait pas du luxe.
Reprise de la route. Notre lieu de campement pour la nuit ? Un lac isolé au bord d’une piste. Le cadre est absolument parfait. Sur l’autre rive, un berger rentre ses chevaux et ses moutons. Nous contemplons le ballet des mouettes. Rincés par ses aventures, nous torchonnons le jambon juste après le coucher du soleil.
Vis ma vie de cheminot kazakh
Nous continuons notre odyssée rectiligne sur les longues nationales kazakhes. C’est plat. Incroyablement plat. Une horizontalité à te faire douter de la forme sphérique de notre planète. On déconne, hein ? Seuls les interminables trains de marchandise que l’on voit au loin permettent de donner une échelle à ces paysages.
En parlant de chemin de fer, nous faisons halte près d’un passage à niveau. Maître cheminot dans sa guérite bleutée tenait en son bec un breuvage. Maître cheminot par l’Ural intrigué nous tînt à peu près ce langage : « Come, drink çay ». Une cabane en bois de 6m2, une banquette, un poêle à bois, deux chats. En discutant de son boulot, nous comprenons qu’il passe ici 6 trains par jour. 6 fois par jour, il doit donc sortir de sa guitoune, fermer les barrières, attendre que le train passe, puis ouvrir les barrières. Le reste du temps ? Et l’hiver ? Difficile de s’imaginer.
Le nomadisme kazakh, un mode de vie persistant
Quid du Nomadisme, mode de vie dont le Kazakhstan est le bastion ? Il a légèrement évolué. Maintenant motorisés, ces voyageurs sont turcs, ouzbeks, kazakhes ou arméniens. Ils traversent ces vastes étendues au volant de leur semi-remorques. En cas de panne ? La prochaine station essence est 100km plus loin. Si quelque chose casse ? Tu dois bricoler à la merci des éléments car aucun arbre, ni abri naturel ne te protège du vent, du soleil ou de la pluie.
Régulièrement le long de la route (tous les 80 – 100km), on trouve un кофе, c’est l’équivalent de notre routier. Un petit restaurant, une supérette et des WC à côté du parking. C’est l’occasion de faire une pause, de déjeuner local et surtout de rencontrer du monde. On se débrouille malgré la barrière de la langue et les kazakhs viennent toujours très rapidement à notre rencontre.
Passé Koustanaï, les paysages changent. Les steppes désertiques laissent place aux vastes champs de blé et à quelques denses forêts de pins et de bouleaux. Des décors tout droit sortis de Sibérie. Au passage, nous sommes à moins de 50km de la frontière russe.
Bivouaquer au Kazakhstan, un vrai bonheur
Camper dans le pays est un pur plaisir. Nous évitons seulement les forêts car elles sont peuplés de colocataires à quatre pattes comme des orignals ou des espèces de lynx. Nous mettons cap sur un lac. Ses berges sont peuplées de vaches et de moutons en pâture. Fichtre ! On tente quand même le coup avec le berger. « On peut camper ici ? » Niet, nous répond-il. Difficile de comprendre pourquoi. Mais où alors ? Il nous fait signe de le suivre. Chevauchant sa monture motorisée chinoise, il nous mène de pistes en sentiers jusqu’à une toute petite rivière, l’Oubagan. Pas âme qui vive. Loin de la route. C’est parfait. Cerise sur le gâteau ? Ce soir, c’est pâtes au pesto !
19h00, une Lada vient nous rendre visite. C’est en fait le proprio du troupeau de chevaux juste à côté qui souhaite juste s’assurer que nous n’étions pas des chasseurs. On peut comprendre son inquiétude.
22h00, un faisceau de phares traverse la tente. Ce sont en fait 4 jeunes ados à bécane qui viennent discuter avec les français en Ural et prendre des photos. Un super moment !
Au réveil, nous recevons une 3ème visite. Un autre berger à bécane qui guide son troupeau de vaches. « Vous venez de France avec ça ? Et vous dormez en tente ? » On ne se lasse pas de ces regards étonnés.
Tu l’auras compris, bivouaquer au Kazakhstan est un pur plaisir. Les spots sont infinis et magnifiques, les locaux extrêmement bienveillants. Ils paraissent tout joyeux de passer du temps avec nous, ces deux extraterrestres et leur véhicule soviétique.
Salut les tourtereaux,
Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu de mail avec une proposition d’article à lire. Entre instagram, youtube et les articles du blog, ça fait pas mal de trucs à voir. On ne sait plus où donner de la tête, ni où vous êtes. Non, je déconne…
En tous cas, c’est toujours aussi sympa à lire, et en plus, après une période où je n’arrivais plus à agrandir les images, ça refonctionne. C’est d’autant plus sympa de les voir en grand.
Bonne route à vous dans vos steppes mongoles tant attendues.
Eric
AHahah !
Oui ça fait beaucoup de choses à gérer pour nous 🙂
Et nous avons enfin trouvé le temps de nous remettre sur nos articles de blog (quelques jours de pluie nous ont aidé).
Mais il reste encore pas de retard à rattraper !
Les steppes mongoles sont sublimes !
salut les baroudeurs !
je suis votre périple depuis un moment en parallèle de celui de Seb alias » rollers et bielles histoires » qui a traversé le Kazakhstan la semaine dernière en direction du lac Baïkal sur sa YZR 250.
et tout comme lui, je suis émerveillé de la gentillesse des gens malgré ou a cause de cette vie au milieu de rien, ou l’empathie succède a la nécessité d’entraide.
il paraitrait aussi que les clubs motos s’organisent en » point rencontre, ou entraide » bien utiles dans ces contrées.
en tout cas bien content de vous lire
Franck, dit papytrail, le baroudeur Auvergnat en 125
Salut Franck,
Merci pour ton message !
Oui effectivement, nous avons rencontré une solidarité et une bienveillance envers nous très forte au Kazakhstan (ainsi qu’en Mongolie).
Et puis beaucoup de curiosité 🙂
Il semblerait effectivement que la communauté motarde soit très soudée, c’est aussi le cas en Russie. Il y a une forte culture du moto club.
Bon baroudage en Auvergne (une région magnifique que l’on adore)
Marion et Jérémy