Vous avez quoi sur votre to-do list de road trip moto ? Les steppes mongoles ? L’atlas marocain ? Pour nous, c’était franchir le plus haut col carrossable du monde : Le Kardhung La au Ladakh, situé à l’extrême nord de l’Inde. Rouler à 5300m d’altitude ça envoie, non ? Évidemment, on ne pensait pas y aller uniquement pour se geler les miches sur les sommets himalayens. L’idée était aussi de découvrir les paysages extraordinaires de la région. Alors quand en Juillet 2019 nous avons négocié 15 jours de vacances, nous avons pris nos billets d’avion direct !
Dans cet article, nous vous racontons tout de cette aventure en Royal Enfield Himalayan qui restera gravé dans nos esprits pour des longues années. Bonne lecture !
Ce voyage moto au Ladakh en bref.
Quel itinéraire ? Quelles bécanes ? Quelle agence ?
On partait en Inde avec un planning serré. 15 jours pour profiter à fond des paysages, gravir le plus haut col du monde, visiter le Taj Mahal, etc… Autant dire qu’on voulait éviter les pépins mécaniques, les problèmes de paperasse ou encore un itinéraire ambitieux voire douteux.
Quelle solution pour éviter tout ça ? Passer par une agence. Nous avons d’ailleurs fait un article à ce sujet. Clairement, au début ça ne nous réjouissait pas. Se greffer à un groupe de 10 motards poilus, peut-être même barbus, qui viennent en Inde pour crapahuter dans la boue ! Umh, on était septique. Mais bon, avec notre planning pas trop le choix. On a donc choisi l’agence Ride of my Life. Environ 600€ par personne pour 10 jours de roulage avec 4×4 d’assistance et mécano H24. C’est plutôt correct, non ? Les paysages étaient annoncés comme variés. Le mix off-road / route paraissait correct. Les bécanes ? Des Royal Enfield Himalayan. Plutôt bien trouvé pour aller affronter l’Himalaya
Récit de nos péripéties à moto à travers le Ladakh
JOUR 1, prise en main des Royals Enfield Himalayan – Srinagar
1er jour, accueil par l’équipe locale, et briefing avec tout le groupe. Chacun se présente. Ça a l’air scolaire ? Oui, mais ça permet de jauger avec qui on va rouler pendant 10 jours. Et nos craintes se dissipent vite. Les motards ont l’air sympas, pas de relou qui ne jure que par le théorème de la poignée dans l’angle. L’équipe locale est super pro et on passe en détail l’itinéraire jour par jour.
Arrive ensuite le moment de prendre en main les bécanes et d’y faire des ajustements si besoin. Elles sont toutes en excellente condition. Aujourd’hui, c’est surtout l’occasion de découvrir la conduite indienne.
Comment décrire ce chaos ? C’est simple. Imaginez la moitié de la circulation parisienne regroupée en seul arrondissement 🙂 Ajoutez à ça que 50% des gars ont soit picolé, soit pas dormi, soit les deux,… ça vous fait un beau topo. Bref, c’était la galère. Mais ça n’a duré qu’une heure, et nous a permis de tester les bécanes.
Niveau confort, y a pas dire, les Himalayan sont top. Pilote comme passager, l’assise est super. Et y a plutôt intérêt parce qu’on va passer 6 à 8 heures par jour dessus pendant 10 jours !
JOUR 2, des pistes & des gaufres en paysages alpins – de Srinagar à Kargil
Nous commençons la journée par affronter le chaos de Srinagar ! Une heure à slalomer entre tuk-tuk, camions et motos avec autant de passagers qu’un TGV le vendredi soir. Mais rapidement, on gagne la campagne. Vous saviez que la région était militarisée ? Et oui, les colons britanniques sont partis sans laisser de mode d’emploi. Du coup, la région est semi-indépendante, ou semi-indienne, on ne sait pas trop. En tout cas les militaires sont partout. On passe un nombre incalculable de check-points.
Les choses marrantes commencent après manger. 1er passage technique : une piste caillouteuse qui monte en lacet sur les pentes presque verticales. Comment ça s’est passé ? Et bien, disons que tous les motards n’étaient hyper à l’aise. 2 chutes à déplorer. Heureusement, elles sont sans gravité. Tout de suite la cohésion s’est créée et les motards se sont entraidés. Le jeu en valait la chandelle, tellement les paysages en altitude était magnifiques.
Quelques kilomètres plus tard, nous arrivons à un second obstacle. Il y a eu des éboulements sur la piste, les tracteurs s’activent pour réparer les dégâts et une longue file de véhicules patiente. Petites motos que nous sommes nous nous faufilons jusqu’à un lacet de montagne obstrué par un camion-citerne. Il a eu la bonne idée de se garer en plein dans le virage, laissant à peine un mètre de libre entre lui et le vide. Mmm… un brin flippant à passer…
Le reste du trajet filant toujours au nord est plus facile. Les paysages changent avec les kilomètres au fur et à mesure que nous gagnons en altitude. Les gigantesques sapins disparaissent pour laisser place à une végétation rase qui finit par quitter les pans des montagnes pour occuper uniquement le creux des vallées. Arrivée à Kargil sous les couleurs du coucher de soleil. C’est une petite ville accrochée sur les pentes (on se demande comment:) ) avec des maisons cubiques aux couleurs de la terre locale grisâtre. C’est très dépaysant !
JOUR 3, désert de montagnes argentées, bleutées, roses, … lacets et route droite à perte de vue – de Kargil à Leh
On commence la journée par le brief habituel. Manish notre guide, nous fait le topo de la journée. Il nous rappelle de prendre notre temps pour nous arrêter, profiter des vues et prendre des photos. Et il a bien fait car les décors de cette journée sont particulièrement photogéniques ! On a envie de s’arrêter à chaque virage !
Il faut savoir que Ride of my Life fonctionne d’une manière particulière. Le guide à moto ouvre la voie et le véhicule mécano ferme le convoi. A priori rien d’étonnant, sauf qu’entre les deux il peut y avoir plusieurs kilomètres ! On peut donc rouler durant des heures sans croiser aucun des motards du groupe. Nous avons trouvé ça top ! Même en étant dans un groupe de 13 bécanes, nous étions libre d’avancer à notre rythme. Génial, non ?
Dès la sortie de Kargil les paysages sont à tomber. La rivière qui coule entre deux montagnes rocheuses est une vraie oasis d’un vert vif. Nous traversons des villages perdus par-ci par là avec leurs maisons cubiques blanches ou couleur sable. Petite pause pour boire un Chaï (thé indien très sucrée avec du lait) de milieu de matinée. Nous nous reposons à côté d’un temple bouddhiste où un moine prépare des offrandes. L’immersion est totale !
La route est bitumée et en bon état, c’est un plaisir de filer de lacet en lacet. Ceux-ci offrent à chaque fois des points de vue différents sur des montagnes de sable argenté ou rocheuses aux nuances bleutées et même parfois roses. Nous croisons de temps en temps les camion indiens multicolores digne des films de Bollywood.
L’heure du déjeuner approche, nous arrivons à un village à flanc de montagne, avec son monastère perché au sommet. Alors que nous roulons, nous entendons des cris et en levant la tête nous voyons le guide et d’autres motards nous faisant signe de quitter la route principale pour monter jusqu’au temple. C’est là que nous mangeons.
Nos potes nous suivent et nous leur mimons où aller. Nous rejoignons le monastère en prenant le temps de faire des photos. Arrivés en haut, ils n’étaient pas là. Ce n’est que 3 /4 d’heure plus tard qu’ils arrivent ! Ils n’avaient rien compris et avaient poursuivis leur chemin jusqu’au check-point suivant. Ne voyant personne, ils ont réalisés leur bêtise et ont fait demi-tour 🙂
Durant la préparation d’un délicieux Biryani aux légumes, nous avons le temps de visiter le monastère offrant une vue spectaculaire sur la vallée. Un bouddha a été gravé dans la montagne juste derrière. Magnifique.
En selle ! Le reste de la journée est tout aussi splendide et désertique. Quelque fois, les flancs de montagne ou le creux des vallées sont couverts d’herbe rase broutée par des yacks.
Nous croisons quelques tentes dispersées au milieu de nulle part où la vie doit être particulièrement rude. Et nous nous demandons de quoi peuvent bien vivre ces habitants. J’imagine de l’élevage de chèvres, de moutons ou de yacks et des commerces liés au va-et-vient des camions de marchandises. Il y aussi des camps militaires de transit qui semblent vides.
L’enchaînement de lacets laisse place à une route d’asphalte droite digne d’un film hollywoodien. Le désert de sable s’étend à gauche et à droite. Il est stoppé par une enceinte de montagnes striées de bleu. C’est plutôt irréel de rouler au cœur de ces étendues désertiques ! Il fait 35 degrés, on transpire tout ce qu’on peut. Difficile d’imaginer que 2 jours plus tard, on se caillera les miches sous la neige !
JOUR 4, acclimatation à l’altitude – Leh
Demain, nous affrontons notre première passe à plus de 5300m d’altitude. Alors aujourd’hui c’est repos. Nos corps doivent s’acclimater au manque d’oxygène afin de ne pas avoir le mal des montagnes. Leh est une petite bourgade à 3500m d’altitude. Mais même là, on sent que nos poumons tournent à plein régime. Le moindre petit effort et nous sommes essoufflés, alors gravir les 3 étages qui mènent à notre chambre ? Une épreuve.
Nous décidons quand même de faire une petite balade en ville histoire de se frotter au lieu. C’est plutôt charmant et un peu touristique. Nous avons déniché un petit boui-boui avec uniquement des locaux. C’est notre règle de base pour trouver de bons restaurants quand on part en voyage. S’ils sont remplis des gens du coin c’est que cela doit être une bonne adresse 🙂 Seulement un ou deux plats à la carte et le must, c’est qu’ils faisaient la pâte et fourraient les « raviolis » sous nos yeux ! Délicieux !!
JOUR 5, passage du col du Changla (5390m) sous la neige et arc-en-ciel sur le lac de Pangong – Leh à Spangmik
Brief habituel, la couleur est annoncée « aujourd’hui, vous allez en chier ! ». 8 heures de roulage et un passage à plus de 5300 mètres d’altitude qui va mettre à rude épreuve les bécanes et les motards.
Nous sortons à peine de Leh qu’il se met à pleuvoir et pas qu’un peu… Nous n’aurons pas emmené nos combinaisons de pluie pour rien ! La matinée s’enchaîne bien, les paysages sont encore une fois magnifiques et très différents de ce que l’on a pu traverser auparavant. Nous croisons successivement des yaks, des convois militaires, des check-points, des villages etc…
Arrivée en pied du col, nous faisons une pause pour nous équiper. Il n’y a que 7 kilomètres pour atteindre le sommet, mais c’est super pentu ! A peine nous commençons à grimper que la neige se met à tomber et les nuages s’abattent. Nous roulons en convoi serré mais nous voyons à peine la moto qui nous précède. C’est assez étonnant car d’un côté la montagne est bien présente mais de l’autre c’est le néant ! Enfin… c’est l’impression que ça donne car on ne voit rien d’autre que du blanc.
La qualité de la piste se dégrade et les torrents de neige fondue ne facilitent pas la tache. C’est un de ces moment où l’on se dit : « mais qu’est-ce que je suis venu faire ici ? Il fait 0 degrés, j’ai le souffle court et je ne vois pas à 10 mètres ». Nous ne sommes pas les seuls ici, il faut parfois slalomer entre les voitures, les camions militaires ou de marchandises. C’est épique ! La concentration est de rigueur !
Nous atteignons le sommet assez fiers de nous 🙂 Les flocons nous fouettent le visage, il y a de la neige partout ! Photo obligatoire sur le borne jaune portant le nom du col du Changla et l’altitude 17688 pieds (on vous laisse faire la conversion 🙂 )
Il est déconseillé de s’attarder car les effets de l’altitude se font rapidement sentir. Comment décrire ça ? C’est comme si t’essayais de reprendre le guidon le lendemain d’une nuit passée à t’enivrer de chartreuse ! Pas terrible. Heureusement, dès que l’on redescend un peu les symptômes s’estompent.
L’après-midi, nous roulons sur des routes nettement plus praticables à travers des paysages évoquant l’Irlande où de gros yacks noirs remplaceraient les troupeaux de moutons blancs. Il fait super froid et les chaussures sont bien sûr trempées. Nous longeons le superbe lac de Pangong jusqu’à Spangmik. Il caille !
Epuisés, nous garons les bécanes. Un bon Chaï pour tenter de se réchauffer. Puis vient le moment de se raconter la journée avec nos camarades d’aventure autour d’une bonne bière !