Marion & moi, on aime les road-trips uniques. Ceux qui sont compliqués, tortueux, parfois à la limite du questionnement « mais pourquoi je fais ça ! » Il n’y a qu’à voir notre prochain projet de voyage pour comprendre 🙂
Alors quand nous sommes partis rouler en Inde, on s’est dit : comment repousser les limites du masochisme ? comment transformer un road-trip moto en une aventure inoubliable ? Il nous a semblé évident qu’affronter le plus haut col carrossable du monde n’était pas suffisant. Est-ce qu’on s’est gelé les miches ? Oui. Est-ce qu’on s’est gaufré ? Une fois, mais pas à moitié.
On vous raconte tout sur cette aventure épique, photos et vidéos à l’appui. Bonne lecture !
Situons un peu le contexte de notre ascension du plus haut col carrossable du monde.
Nous avions réservé un tour moto en Royal Enfield Himalayan de 10 jours avec une agence locale : Ride of my Life. L’aventure est génial ! Le Ladakh est extraordinaire, les paysages sont extrêmement variés et tous plus beaux les uns que les autres. Déjà 6 jours de bonheur à rouler sur les toits himalayens du monde. Mais franchir le col du Kardhung La avec ses 5359m d’altitude, était un peu le point d’orgue du trip. C’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de rouler sur le plus haut col du monde, non ?
Bref, nous démarrons la journée par le brief habituel : une distance de 130km, un col à 5359m d’altitude, une arrivée à la ville de Leh. Notre guide Manish donne ses consignes « Marion et Jérémy, vous êtes bientôt sur la réserve, faites le plein à la station essence.» Nous débutons la journée sur une magnifique route goudronnée avec d’un côté une falaise et de l’autre de vastes étendues de sable. Magique.
Parfois, au milieu de nulle part, apparaît un petit hameau constitué de quelques maisons en pierre. On arrive rapidement à la dite station ! Le décor est incroyable : 2 pompes posées là, au pied de montagnes arides et surplombant les dunes de sable. Je demande : « Full tank, please! » mais le gars me répond « no fuel, only diesel ». Il n’y a pas d’autre station dans les environs. La plus proche ? C’est à notre ville d’arrivée… Bon, ba ça c’est fait. On va croiser les doigts pour ne pas tomber en rade à 5359m d’altitude 😊
Le col est fermé : 4 heures d’attente en compagnie des yacks
On reprend la route, et c’est un vrai régal. Des lacets de montagnes à n’en plus finir. Le lit d’une rivière presque asséchée s’est transformé en oasis de verdure. On continue à progresser et à gagner doucement en altitude. Les paysages changent sans que l’on s’en rende compte. La végétation disparaît et laisse place à de vastes étendues de roches grises. On roule, on s’arrête, on prend des photos, on contemple. Que demander de mieux ?
On arrive enfin au camp de bas situé au pied du col.
Un torrent s’écoule au milieu d’un havre de verdure. L’herbe rase et les centaines petites fleurs jaunes ravissent une vingtaine de Yacks et d’ânes qui flânent. C’est paisible. Les soldats du camps militaire (comme il y en a des centaines dans la région) semblent aussi y avoir la vie douce.
Heureusement que le coin est sympa, car le guide nous informe : « Deux glissements de terrain, le col est fermé ! Il n’y a plus qu’à attendre que la route soit dégagée ».
On boit 1 thé, 2 thés, 3 thés, etc… On mange de délicieux momos végétariens (raviolis )… On sort les cartes à jouer. Le léger manque d’oxygène se traduit d’une manière étrange : des fous rires inexpliqués.
La fatigue doit jouer aussi, non ? On profite aussi de l’attente pour faire connaissance avec les yaks et ânes qui paissent à côté. Puis, 4 heures plus tard, le col ouvre. Top départ !
La plus belle chute à moto de ma vie
Nous nous élançons à l’assaut du plus haut col carrossable du monde : le Kardhung La. Le spectacle qui s’offre à nous est incroyable. Des montagnes enneigées à perte de vue. Mais rapidement, nous comprenons que nous n’étions pas les seuls à attendre la réouverture. Le trafic se densifie.
C’est l’occasion de découvrir la mentalité des conducteurs indiens. Comment résumer simplement ? Ils ne réfléchissent pas et c’est chacun pour sa gueule. Plutôt que de laisser passer les autres véhicules pour fluidifier le trafic, ils avancent le plus possible et bloquent tout le monde. Et ça, ça nous énerve, nous petits français.
Le moment fatidique arrive.
Le soleil fait fondre la neige qui se transforme en torrent dévalent les pentes (et créant parfois des éboulements). C’est donc une véritable chute d’eau qui « coupe » la piste. De chaque côté, les voitures essayent d’avancer. Et ce qui devait arriver arriva : plus personne ne peut faire un mètre. Seules les motos peuvent se faufiler, et encore c’est juste. John, motard britannique de notre groupe, se tente à traverser. Ça passe jusqu’à la sortie, où il se retrouve bloqué s par un taxi local qui ne veut pas bouger. Le ton monte extrêmement rapidement, le chauffeur sort,… la bagarre n’est pas loin.
Voyant ça, je me lance à mon tour dans le torrent pour venir en aide à mon camarade de route. Mauvaise décision. Ma trajectoire est merdique, je loupe le passage praticable, et je me gaufre lamentablement sur le côté. Exactement là où il y a un mètre de fond 😊 Seul l’arrière de l’Himalayan reste hors de l’eau. Et moi ? Je baigne jusqu’au torse dans une eau gelée. Je redresse rapidement la moto pour éviter que l’eau s’infiltre dans l’échappement.
Comment ont réagi les indiens ?
Ils n’ont pas bougé d’un pouce. Seuls Marion (qui était descendue avant, bien lui en a pris) et un autre motard de notre groupe m’aident à reculer la bécane. Une fois sorti de ma piscine improvisée, j’essaye de redémarrer. En vain. Le démarreur fonctionne, mais le moteur ne se lance pas. J’aurais fumé la bécane ? Et non, il suffisait de tourner le robinet d’essence sur réserve. Plus de peur que de mal.
Je remonte sur la bécane, traverse le torrent, et m’arrête pour réfléchir à ce qu’il vient de se passer. Entre temps, les échauffourées entre britannique et indien s’étaient calmées. Par chance, notre 4×4 d’assistance arrive à ce moment-là. J’en profite pour changer ma tenue de plongée par des vêtements secs. On est reparti et faut pas traîner. Qui sait quand sera le prochain glissement de terrain 🙂
Le passage délicat du camion militaire coincé entre deux murs de neige
Malgré le froid, on prend quand même le temps de s’arrêter. Les montagnes enneigées sont un vrai régal pour les yeux. J’en profite pour coller mes mains sur le moteur et gagner quelques précieux degrés. Puis, voilà qu’arrive un nouveau challenge ! Un camion militaire est bloqué entre deux murs de neige et de glace. Sa technique pour sortir ? Reculer, avancer, reculer, avancer. Une fumée noir s’échappe et ça sent bon l’embrayage qui crame 😊 En plus de ça, il fait fondre la glace, c’est donc une piscine olympique d’eau gelée qu’il faut traverser.
Le camion finit par sortir libérant une vague d’eau froide et marron. J’analyse le passage du motard me précédant. Il y a au moins un mètre d’eau sur 25 mètres. Dans ma tête, je me dis : « Pas le droit à l’erreur, sinon c’est le deuxième bain de la journée. » Et j’en n’ai pas envie. La traversée se passe bien. Mes pieds sont gelés mais c’est un moindre mal. Marion, quant à elle , grimpe sur le monticule de neige formant le mur pour traverser.
Quelques minutes après, c’est la récompense : on atteint le sommet.
Nous sommes en haut du Khardhung La, le plus haut col carrossable du monde à 5359m d’altitude. Il y fait très froid !! Notre guide nous prévient : « Restez pas plus de 5 minutes ou vous serez malades ». Ok, on va pas traîner dans ce cas. On prend quelques photos et selfies pour immortaliser l’instant, et on repart !
Il faut dire que les conseils du guide étaient de bon augure.
Jérémy débute la descente avec une petite nausée et le cerveau qui flotte un peu. Un peu comme rouler tôt le matin après une soirée bien arrosée. On se dépêche donc d’avancer, on double les Royal Enfield Classic, pas trop adaptées pour les pistes. Plus on descend, plus le thermomètre remonte et ça fait du bien à nos pieds gelés 🙂
La vue sur toute la vallée est encore une fois extraordinaire ! On franchit les derniers passages à gué en mode « rien à foutre », c’était rien comparé à ce que l’on avait vécut avant 🙂 Et on atteint finalement notre ville étape. C’est maintenant le moment de partager son ressenti avec les autres motards du groupe. Évidemment, autour d’une bière amplement méritée.
Quand je pense qu’on étaient fiers de faire le chemin Henry IV, entre Pau et Lourdes avec des trails dans les années 80…
En comparaison c’était de l’autoroute !
Il n’y a pas de petite aventure !!
C’est la façon dont tu vies le truc qui fait que c’est magique 🙂
Et puis, dans les années 80, la navigation à la carte devait réserver son lot de surprise.
C’est autre chose que maintenant où t’as juste à suivre la trace de ton GPS.
Bonne route à toi !!