La « Croisière jaune », la « mission Centre-Asie » ou encore la « 3e mission G.M. Haardt – Audouin-Dubreuil », ça vous dit quelque chose ?
Qu’est se qui se cache derrière ces noms de code mystérieux ? Et bien sans doute l’une des plus extraordinaire expéditions motorisées ! Et oui, rien que ça.
Nous sommes en 1932, André Citroën se lance un challenge de folie : rallier Beyrouth à Pékin en autochenilles.Pourquoi ? Comment ? Réussite ou échec ? Dans cet article, on vous dit tout sur ce défi qui a marqué l’histoire.
Pourquoi organiser une telle expédition motorisée à travers le continent asiatique ?
Première objectif : Montrer au monde que les véhicules Citroën sont capables d’aller partout.
Et oui, cette mission, c’est avant tout un gros coup de pub pour le constructeur automobile. Alors, certes ils ne sont pas partis avec la voiture de monsieur tout le monde. Mais justement, le but premier était le défi technologique ! L’automobile serait l’outil pour « abolir les frontières géographiques, culturelles et politiques dans le monde »
Le deuxième objectif est de permettre l’ouverture de routes commerciales.
Durant l’entre deux guerres, l’aviation civile n’en était encore qu’à ses balbutiements. La meilleure solution pour transporter des hommes et du matériel était donc par voie terrestre. Georges-Marie Haardt, le chef de l’expédition, voulait ouvrir la « route de la soie » à la circulation automobile, soit 13 000 km de Beyrouth à Pékin. Un repérage sur place était donc indispensable pour ce projet.
Le 3ème objectif s’agissait d’enregistrer par l’image les vestiges de civilisations.
Equipé de caméras et de micros, l’équipage a pu filmer des sites historiques, des tribus isolées, des rites culturels ancestraux, etc… Bref, ils ont pu sauvegarder en images et vidéos des bribes de culture pour ainsi les préserver dans le temps.
Quel véhicule fut utilisé pour la mission Centre-Asie ?
Pas d’autoroute à l’époque ! Pas non plus de route d’ailleurs. La majeure partie de l’itinéraire allait se faire sur des pistes, à travers le désert, dans les montagnes, dans la jungle, bref, en mode tout-terrain. Il fallait donc un engin à l’aise sur n’importe quelle surface.
N’oublions pas que le matériel d’enregistrement était conséquent et qu’il y avait 40 membres d’équipage. Un véhicule lourd était donc indispensable. Enfin, particularité singulière, il devait être entièrement démontable et remontable à la main. Et oui, pas la peine d’espérer trouver un garagiste paumé en pleine montagne tibétaine.
Le choix s’est donc porté sur des autochenilles P17 et P21. Fiable, robuste, résistante, à l’épreuve du sable, comme des températures extrêmes. A noter, qu’elles étaient équipées du système de chenilles Kegreisz-Hinstin. Il a comme gros avantage sa légèreté. L’inconvénient ? Sa durée de vie limitée à 5000-6000 kilomètres à cause de sa bande roulement en caoutchouc.
Quel est l'itinéraire de la croisière jaune ? Quelles sont les deux équipes ?
Il aura fallut plus de trois ans pour préparer cette expédition : définir l’itinéraire après de premières reconnaissances, obtenir les autorisations pour traverser les différents pays mais aussi pour avoir le droit d’établir des campements ou des points de ravitaillements. Pour couvrir tout l’itinéraire à explorer en un temps record, le groupe a été scindé en 2 équipages.
Le 1er nommé groupe Pamir avait pour objectif de rallier Beyrouth au Liban à Pékin en Chine.
L’équipage était composé, du trésorier de l’expédition, d’un peintre, d’un écrivain, d’un archéologue, et d’un photographe. Évidemment, tous ces illustres personnages sont accompagnés de conducteurs, mécaniciens et cuisiniers. Ils sont partis à 7 autochenilles P17, les modèles les plus légers de cette mission. Pourquoi choisir cette version plutôt que la P21 plus puissante ? Car le groupe Pamir a un obstacle de taille sur son passage, l’Himalaya. En effet, après avoir traversé le Liban, la Syrie, l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan, il a ensuite fallu franchir des cols à plus de 4000m pour atteindre la Chine. Ils affrontèrent la rocaille, la neige, les torrents de boue, mais accomplirent leur objectif.
Le 2ème groupe nommé Chine démarre de Tientsin, à côté de Pékin.
Leur objectif est le même que le groupe Pamir, c’est-à-dire atteindre Pékin. Étrange, non ? Pas tant que ça. Ils vont en fait réaliser une boucle, et à mi-chemin rejoindre l’autre groupe à Urumqi. Les difficultés du groupe Chine étaient plus d’ordre politique que géologique. L’expédition est très mal perçue par les autorités chinoises qui croient à une mission militaire déguisée. Il se sont ainsi vu confisquer tout leur matériel radio, rendant impossible toute communication avec l’équipe Pamir.
Quelles sont les péripéties marquantes de la Croisière jaune ?
Plutôt que de vous raconter tout le voyage, nous préférons vous livrer quelques événements mémorables.
– Chacun des véhicules portait un surnom relatif à sa fonction dans le groupe. Ainsi, il y avait « Ondes » le véhicule radio, « Caducée et Engrenages » le véhicule support mécanique, puis« Le Scarabée d’or », « le Croissant d’argent », « Œil », « Œil objectif », et enfin « Foyer ».
– Le groupe Chine fut fait prisonnier pendant 12 jours par le seigneur de guerre chinois King. Ils furent libérés grâce au groupe Pamir qui réussit à les rejoindre, négocier et ainsi mettre fin à la prise d’otages.
– Le 6 juin, en plein désert de Gobi, un bidon d’essence explose sous l’effet de la chaleur.
– La difficulté majeure du groupe Pamir était la traversée de l’Himalaya. Au cours du périple, ils franchirent le col de Burzil situé à 4 132 m vers Gilgit. Une fois le col traversé, la progression de la mission est à nouveau retardée par un obstacle majeur ! Le glissement d’un pan entier de montagne a fait disparaître la route. Il ne reste qu’un minuscule passage impraticable. Il a fallu tracer une nouvelle voie, qui se révéla très instable. Haardt décide alors de démonter entièrement les autochenilles ! Les pièces sont rangées par paquets de 30 kg transportées par des mules. Deux ou trois jours plus tard, la difficulté est traversée et le groupe reconstruit les autochenilles.
– Lors de la traversée d’une rivière glacée, un des véhicules traverse la couche gelée. Résultat, 13 heures d’effort pour récupérer le véhicule dans le fleuve jaune.
– Lors de leur passage en Iran, le prince Mohamed Reza leur rendu visite. A seulement 11 ans, il décida de se mettre au volant de voiture du cuistot. Malgré son statut politique, le cuistot n’a pas hésité à le mettre dehors manu-militari.
Quel est le bilan de l'épopée « mission Centre-Asie » qui aura duré 10 mois ?
Et bien, on pourrait le qualifier de triomphe teinté de tristesse.
En effet, Georges-Marie Haardt, le commanditaire de toute l’opération meurt des suites d’une pneumonie seulement un mois après l’arrivée à Pékin.
Sur le plan mécanique, c’est un exploit.
Citroën a su montrer la robustesse et la fiabilité de ces véhicules.
Traverser les monts enneigés de l’Himalaya, affronter les températures intenables du désert de Gobi, franchir des rivières glacées, les épreuves ont toutes été couronnées de succès… même si aucune autochenille n’a réussi à traverser le continent asiatique en entier.
Sur un plan culturel, le gain est énorme.
Les aventuriers sont revenus avec des centaines d’heures d’enregistrement et de photographies. André Sauvage a filmé une large partie du périple du groupe Pamir, pour diverses raisons, le film sera finalement monté par Léon Poirier. Le film La Croisière jaune sort en mars 1934 et remporte un vif succès.
Bel article! Pour quelques précisions sur cette expédition écoutez le podcast: https://orinoco-podcast.com/2019/09/05/la-croisiere-jaune/
Merci Gilles pour votre commentaire. Bien noté pour le podcast.
Je pense que ces messieurs ont proposé la définition parfaite pour le mot aventure 🙂
Bonjour
Une personne d’un certain âge vient de me donner une malle, me précisant « qu’elle avait fait la croisière jaune ».
Sur cette malle figure le nom de la personne à qui elle appartenait.
Pour Info, ce « participant » a grandi dans le même village (Beaucourt) qu’Adolphe KEGRESSE, inventeur de la chenillette. Un neveu d’Adolphe a lui même participé à la Croisière. Il s’agit de Gustave Kégresse.
Comment vérifier par curiosité ces dires.
Cordialement
PM
Bonjour,
Malheureusement nous ne pouvons pas vous aider.
Nous sommes deux amoureux de voyages et l’aventure de la croisière jaune nous fascine.
Toutes les informations sur cette épopée, nous les avons trouvées via la radio, les livres et internet.
Nous ne savons pas comment vous pourriez vérifier ces dires (peut-être en contactant des écrivains ou journalistes qui ont travaillé sur ce sujet).
Bien à vous
Marion et Jérémy