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Road-trip moto en Arménie

    Tout le monde connaît Charles Aznavour. Mais sais-tu qu’il est un héros national dans son pays d’origine ? Statues, portrait, nom du rue et de place… On le croise partout, surtout lorsque les arméniens apprennent que nous sommes français. Sinon, l’Arménie nous a aussi réservé de belles découvertes avec le mont Aragat, pléthores de monastères et d’églises, des canyons, des orgues basaltiques, sans oublier un temple grec. Et de moins bonnes surprises comme un passage de frontière long, un réseau routier médiocre ainsi qu’une mésaventure de bivouac.
    Nous n’avons pu explorer que la moitié nord du pays car le conflit avec l’Azerbaïdjan s’est envenimé récemment. Dans cet article, nous te racontons notre découverte de l’Arménie en side-car Ural. Bonne lecture !

    Itinéraire de notre road-trip en Arménie

    Carte de notre Road-trip moto en Arménie - URALISTAN

    Depuis la mi septembre 2022, les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont envenimées. Les zones frontalières et le Sud du pays sont passés en « zones rouges », formellement déconseillées. Nous nous sommes donc cantonnés à la moitié Nord du pays.

    Conduire en Arménie ou info à savoir

    Assurance véhicule

    Il est obligatoire de contracter une assurance locale pour son véhicule car il n’est pas couvert par la carte verte. On l’obtient à l’un des bureaux du poste frontière. Le prix pour la moto ? 30€ pour un mois.

    Conduite locale

    La conduite locale est pour le moins épique (similaire à la Géorgie). Dépassement sans visibilité, grillage de priorité, vitesse indéniablement excessive, etc… Mais surtout, ils roulent avec des épaves (Lada 2107 hors d’âge, Renault 12, etc…). D’ailleurs on en croise régulièrement en panne sur le bord de la route. Et donc ? C’est comme si tu étais dans une compétition de stock-car, mais que tu étais le seul à ne pas vouloir abîmer ton véhicule.

    Quid du réseau routier ?

    Les axes principaux sont souvent des autoroutes toutes droites, dans un état impeccable. Par contre, dès qu’on les quitte, c’est une tout autre histoire. Régulièrement, la surface des routes dédiée aux nids de poule est supérieure à la partie roulable.

    Qualité de l’essence

    Nous avons été confronté a une essence de mauvaise qualité dans la plupart des stations essence. Même en achetant du 95 premium, on soupçonne d’avoir reçu la majorité du temps un mauvais 92 ou un 95 coupé avec on ne sait quoi. Notre side-car étant à carburateur, nous avons senti la différence immédiatement. Il est passé de 190km d’autonomie à 100km voire moins. Il avait des gros problèmes de puissance, de fumée noire et pétarade dans l’échappement. Nous avons dû nettoyer les carburateurs après avoir quitté le pays, ils s’étaient complètement encrassés en seulement 4000km.

    Boire ou conduire ?
    Concernant l’alcool, c’est tolérance 0. Il faudra donc profiter du cognac à l’hôtel.

    Nos premiers tours de roue en Arménie

    Une cuite pour Charles

    Nous nous souviendrons longtemps de notre entrée en Arménie. Pourquoi ? On s’est pris une biture d’anthologie la veille en Géorgie. Nous étions dans une ville proche de la frontière, habitée par beaucoup d’Arméniens immigrés. Il a suffit d’annoncer que nous étions Français au tenancier de l’hôtel pour qu’il devienne tout jovial. « Charles Aznavour ! » s’esclaffe t-il avec un grand sourire.
    Dix minutes plus tard, ses amis de la supérette d’en face nous font des grands signes (dont un qui exprime très clairement l’action de boire des coups). Bon, on ne peut pas y louper.

    Arrivés dans l’échoppe, la couleur est annoncée : un bidon de 5 litres de cognac maison trône fièrement sur la table. Deux heures plus tard, nous ressortons pas très frais mais avec le sentiment d’avoir fait notre devoir au nom de l’amitié franco-arménienne.

    Un passage de frontière interminable

    Lever avec un léger mal de crâne. Mais ce n’est pas fini ! A peine le seuil de l’hôtel franchi, voilà nos camarades de cuite qui nous invite pour un 2ème round. Il est 10 heures du matin. Notre petit-déjeuner ? Biscuits et cognac. Enfin seulement pour Marion car en Géorgie, c’est tolérance 0 pour l’alcool.

    Quelques kilomètres plus loin, nous voilà au poste frontière. Il est midi, début des démarches. Prêt ? En quittant le territoire géorgien, nous présentons le contenu de nos bagages une première fois. Le passager et le conducteur présentent leur passeport dans deux endroits différents. Puis après la guérite du douanier, nous déballons nos sacs une deuxième fois.

    Une fois arrivés côté arménien, le petit coup de tampon sur le passport prend des lustres. Pourquoi rouler avec une bécane russe lorsque l’on est français ? Bref… 2 mètres plus loin, 3ème fouille des bagages avec en prime un passage rayon X. Là tu me diras, rien de bien compliqué, non ? Sauf que ! À l’ultime barrière, le militaire nous redemande nos passeports ainsi que le document des « customs ». Quel document ? On ne nous a rien donné. Retour à la case départ… nous voilà repartis pour 30 minutes de paperasse. Nous nous délestons de 15€ pour « frais de douane ». Admettons.

    15 minutes plus tard, la guichetière nous demande « Vous avez l’assurance arménienne ? ». Euh, non… Effectivement, notre carte verte ne couvre pas le pays. Direction le « bureau d’en face ». Après 30 minutes à poireauter, un kiosque se libère, le gars me regarde et me dit, « l’assurance, c’est le bureau d’à côté. » Blasé, je frappe à la porte. Je réveille le gars qui roupillait tranquillement sur son lit de camp. 5 minutes plus tard et 30 euros, l’affaire est réglée. Finalement, après 2 heures perdus dans les affres bureaucratiques, nous franchissons cette dernière barrière. A nous l’Arménie !!

    Nos premières impressions

    Après quelques kilomètres, nous rallions la ville de Gyumri. Premiers constats ? Le mono-sourcil façon Emmanuel Chain est légion. Effectivement, force est de constater que la pilosité faciale des locaux est pour le moins généreuse. Les quelques rencontres que nous faisons permettent aussi de comprendre une chose : de première approche, l’arménien est froid. Mais il suffit d’amorcer un sourire pour que l’échange devienne détendu, voire vraiment marrant.

    Nous adorons leurs véhicules !! Certes, la plupart est plus proche de l’épave que de la nouvelle Mégane. Mais les Ladas 2107 et autres Volga colorées, les camions KAMAZ ont sacrément de la gueule !

    Dernier constat ? Charles Aznavour est ici un dieu, une idole, un héro. Preuve en est cette statue à la sortie de la ville. Il semblerait aussi que les français aient la côte dans le pays. Pourquoi ? La France est le pays d’Europe à avoir accueilli le plus d’immigrés arméniens

    Nos tentatives d'ascension du mont Aragats

    Premier essai par le versant nord

    Notre objectif aujourd’hui ? S’approcher au plus près de l’un des quatre sommets du Mont Aragats (4090m). Malheureusement, nous rencontrons rapidement notre ennemi juré, notre cauchemar, notre Némésis : les pavés moyenâgeux. Ces anciens chemins étaient peut-être adaptés pour des carrioles tractées pas des chevaux, mais clairement pas pour notre pauvre petit Gobi. Ça secoue dans tous les sens. Il nous est impossible de prendre de la vitesse. On entend presque la machine nous supplier d’arrêter ce supplice.

    La difficulté supplémentaire ? Une essence vraiment pourrie. Genre du 95 Premium qui s’avère être un mauvais 92. L’Ural nous offre une délicate symphonie de pétarade. Nous faisons demi-tour direction le versant sud pour une autre tentative. Point positif ? La vue sur les environs est superbe !

    Des routes rectilignes traversant des décors désertiques

    Nous contournons le point culminant du pays par « l’autoroute » (il n’existe pas vraiment de route alternative). Quid des paysages ? Vaste, arides, un immense monochrome ocre. Mais quelque chose cloche. Nous ne distinguons aucun troupeau. Aucun humain. Pas une once de village ou de colonie primitive. C’est comme si la région avait été désertée. Ça nous évoque des airs d’USA avec ses infinies routes rectilignes ponctuées uniquement de stations essence.

    Réussir à franchir les 3000m d’altitude au mont Aragats

    Et nous voilà à Byurakan, un village posé à 1500m d’altitude sur les flancs du géant arménien. Nous débutons l’ascension par le versant sud. L’accès est bitumé. C’est parfait ! Sauf que ? Gobi a toujours du mal à digérer cette essence arménienne de piètre qualité. Les pentes que nous grimpons habituellement en 3ème nécessitent aujourd’hui de passer la 1ère. On te la fait courte, la montée est longue et fastidieuse. Une épreuve de patience. Mais 30km plus tard, nous franchissons fièrement le seuil des 3000m d’altitude ! Gobi est au bout de sa vie. Nous pourrions changer les gicleurs pour continuer à progresser mais à quoi bon pour quelques kilomètres ? Et puis, les paysages ici sont absolument fous ! Il commence à neiger et le vent glacial nous fouette le visage. Après une séance photo, nous redescendons dans la vallée. L’Arménie marque des points mais il en faudra davantage pour nous convaincre.

    Erevan ou Yerevan, la capitale arménienne

    Une ville contrastée agréable à visiter

    La première chose que l’on remarque ici ? L’omniprésence du mont Ararat. Cette montagne, de 5137m en Turquie, a longtemps disputé entre les deux pays. Qu’importe où l’on se situe dans la cité, nous pouvons distinguer son sommet au loin. L’agglomération s’étend sur 7 collines. Au cours de nos déambulations, nous traversons une multitude de parcs et de square. Nous contemplons des bâtiments monumentaux en tuf rose qui bordent places et avenues. Certains arborent des modénatures d’inspiration médiévale.

    L’atmosphère soviétique est bien présente ici avec ces énormes avenues destinées aux voitures et ces bâtiments massifs parfois austères. Mais ? La population d’Erevan semble jeune et dynamique ! La marche est rapide, les terrasses remplies, du street-art décore les rues,… Et puis quel plaisir de trouver un bar servant de la bonne bière !

    Les étals de marché sont couverts de fruits secs, de churchkhela et de toutes sortes de noix (abricot, kaki,…). Les légumes lacto-fermentés et autres pickles rivalisent de couleur.

    La Cascade

    Nous prenons de la hauteur en faisant l’ascension de la Cascade. Rien de naturel ici car c’est un gigantesque escalier ponctué de fontaines (sans eau) et de buissons. C’est le spot pour venir se bécoter en contemplant la ville en contrebas. Étonnant, mais la vue sur la ville est superbe !

    Cap sur le Matenadaran, puis gastronomie arménienne et marché aux puces

    Matenadaran, quésaco ? Un des plus riches dépôts de manuscrits au monde avec plus de 17 000 ouvrages ! Rien que ça. Même si les vieux bouquins ne sont pas ta passion, ça reste impressionnant de contempler des livres qui ont été rédigés au V ou XVIIIème siècle.

    Nous passons saluer Charles Aznavour sur la jolie place qui porte son nom. On peut y observer une belle série de portraits de l’idole nationale. La fontaine y est aussi connue, avec ses 12 signes du zodiaque, mais il n’y avait pas d’eau.

    Nous continuons avec le quartier de l’Opéra et ses nombreux restaurants. Nous faisons halte au Lavash pour se faire un plein ventre de spécialités locales (Kchuch, Harissa,…). Délicieux et magnifiquement présenté !

    Puis nous voici à Vernissage. De quoi s’agit-il ? Et bien, c’est censé être un marché aux puces mais il n’a rien d’authentique et propose beaucoup des chinoiserie pour touristes entre deux stands de duduk.

    Nos coups de cœur : les gorges de Garni et ses environs

    Garni, un temple grec en Arménie

    Nous quittons la capitale et empruntons une route aux panoramas sublimes sur les paysages arides à perte de vue. Désert, canyon, montagne, brume au loin… Nous en prenons plein les yeux !

    Nous arrivons maintenant à l‘édifice hellénistique de Garni, datant du Ier siècle après J-C. De loin, il parait être dans un état extraordinaire. Plutôt étonnant ? À la lecture des explications, nous comprenons qu’il été reconstruit à l’identique mêlant vestiges authentiques et parties modernes. Deux points valent le détour ici. D’abord, c’est le seul temple grec qui subsiste dans le pays, et le cadre est juste fou. En effet, ce lieu de culte païen surplombe un canyon spectaculaire. À couper le souffle !

    Balade entre les orgues basaltiques

    D’ailleurs, nous descendons dans ces gorges pour explorer la symphonie des pierres. Quésaco ? Des orgues basaltiques exhibant leurs curieuses formes hexagonales. Un peu comme la chaussée des géants irlandaise mais inversée. Appelons ça le plafond des Géants. Magique !

    Un monastère, la sainte-lance et un bout de l’arche de Noé

    Nous voici au monastère de Geghard (ou Gherart). D’ailleurs, tu savais que l’Arménie est le premier royaume chrétien au monde ? Le Christianisme fut adopté comme religion d’état en 301 après J-C. Alors forcément, le pays regorge d’églises et de monastères (anciens et récents). Celui de Gheghard a deux particularités. D’abord, il est censé abriter un morceau de la sainte-lance qui aurait transpercé Jésus ainsi qu’un débris de l’arche de Noé. Rien que ça ! Ensuite, et c’est davantage vérifiable, il dispose d’une partie souterraine taillée dans la roche où les prêtres étudient.

    Khosrov, une forêt préservée mais fermée

    Nous partons maintenant explorer la réserve naturelle de Khosrov. Sauf que ? L’accès est bloqué. Tout de même, le sentier pour rallier ce portail fermé et gardé offre un beau panorama sur le canyon en contrebas. D’ailleurs, c’est vraiment ça qui nous marque dans cette région : le relief est très accidenté, voire carrément chaotique. Falaises escarpées, gorges, crevasses, ravins, les stigmates du combat de la roche contre l’érosion sont partout. Magnifique !

    Lac de Sevan et réserve naturelle de Dilijan

    Notre première galère de bivouac

    Nous posons le campement en bord de rivière. Le lieu est isolé. Il n’y a pas un chat. on ne devrait pas se faire embêter. Fait improbable ? À 23h08, un 4×4 s’arrête à côté de la tente. C’est surprenant qu’une voiture s’arrête juste ici, à côté de nous. On sort la tête. Le gars baragouine en Arménien. Nous lui faisons comprendre que nous sommes des touristes. Il nous rétorque alors « My territory. Move ». Rassure-toi, on ne sent absolument pas en danger car il n’y a aucune agressivité dans le ton de sa voix. Mais le moins qu’on puisse dire est que le message est clair et ferme.

    Pour la première fois en 7 mois de road-trip, nous nous faisons déloger. Déjà que notre feeling avec l’Arménie n’était pas au top, ça en rajoute une couche.
    Nous replions le camp en pleine nuit noire. Notre quête d’un nouveau spot de bivouac dans les environs est un échec. C’est extrêmement difficile de jauger la qualité d’un lieu de camping sauvage dans l’obscurité totale. Il est 01h00, nous errons en vain. Comment faire ? Dégoter un hôtel serait mission impossible. Mais à 50 bornes, il y a une étendue d’eau avec probablement des endroits isolés. Il est 2h quand nous plantons la tente en bord du lac Sevan. La nuit sera courte. Et si quelqu’un vient nous enquiquiner, c’est clair, on l’envoie paître ! Faut qu’on dorme sacrebleu !

    Le lendemain, les yeux à peine ouverts, nous explorons la réserve de Noratus bordant le lac. Les paysages y sont somptueux mais le côté décharge improvisée gâche le tableau. La particularité du coin ? Les Khachqars, des stèles en pierre sculptée, spécifique de l’art arménien. Superbe !

    Escale en suisse arménienne

    Et nous voilà à Dilijan au cœur de la réserve naturelle du même nom. Nous y avons réservé une guesthouse et que dire de l’accueil ? Parfait. Un papy nous reçoit avec des fruits, du pain, du beurre et de l’eau de vie de pomme maison. Juste ce qu’il nous fallait pour nous remonter le moral.

    Nous passons deux nuits ici et en profitons pour explorer les environs : montagne, forêt, monastère perdus… Le plus connus ? Le monastère de Haghartsine datant des X et XIIème siècles. Nous nous replongeons aussi dans la gastronomie locale à base de ragoût et de légumes du soleil. Miam ! Au fait pourquoi ce sobriquet de Suisse arménienne ? Euh… apparemment les anciennes maisons de Dilijan ressemblent à deux gouttes d’eau aux demeures helvétiques…

    Canyon de Lori

    Nous reprenons la route empruntant les sublimes gorges de Lori. 140km parcourus et nous voilà à un petit poste frontière avec la Géorgie. Les formalités administratives sont expédiées en 20 minutes. Une fois de l’autre côté, nous sommes assaillis par la sensation géniale d’être à la maison. Étonnant, non ?

    Et voilà, notre courte exploration arménienne touche à sa fin. Quel bilan ? Disons que nous sommes mitigés. C’est d’ailleurs le premier pays avec lequel nous n’accrochons pas. Les paysages, le réseau routier, l’accueil, rien ne nous a vraiment conquis. A cause du contexte géopolitique, nous avons pu explorer uniquement la moitié nord, peut-être que le Sud nous aurait davantage charmé…
    Prochaine étape ? Nous remisons l’Ural au profit d’un 4×4 pour explorer des réserves naturelles géorgiennes durant 4 jours. Bonne route à toi !!
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    4 commentaires sur “Road-trip moto en Arménie”

    1. Pareil effectivement en Septembre : « C’est d’ailleurs le premier pays avec lequel nous n’accrochons pas » , et pourtant, j’étais plutôt enthousiaste de découvrir un peu mes « origines ». Finalement, c’est en Turquie et Géorgie que j’ai le plus pu échanger avec des arméniens.

      1. Salut Didier,
        Merci beaucoup pour ton message.
        Cela nous fait super plaisir de recevoir des retours d’expériences !
        Et puis ça nous rassure, nous ne sommes pas les seuls à ne pas être tombés sous le charme de l’Arménie.

        On te souhaite une bonne route et de bons voyages.
        Et n’hésites pas à continuer à commenter 🙂

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