Quand on parle masochisme, on pense souvent cuir, latex et fessée. Les esprits les plus torturés évoqueront même le bondage. Messieurs, dames, tout cela n’est rien ! Rien quand on a discuté avec les frangins de Rodéo Rodéo 2CV ! Leur délire vicieux ? Un road trip de 50 000 bornes à bord d’une Citroën 2CV de 1971 ! Pour ajouter du piment, ils dorment en tente, ne se lavent pas, passent par le Pakistan et j’en oublie des vertes et des pas mûres !
Tels des Marquis de Sade des temps modernes, Clément et Maximilien nous explique comment allier l’amour du voyage avec la passion pour la douleur auto-infligée. Pour conserver leur anonymat, nous les appellerons Clem et Max. Bonne lecture à vous !
Quelle est la genèse de votre projet de voyage en 2CV ?
Clem : J’habitais alors au Luxembourg où je gagnais bien ma vie. En 2017, j’ai décidé de tenter l’expérience de faire un voyage sac à dos sans dépenser d’argent à travers l’Europe de l’est. Arrivé au Kosovo, je rencontre un suisse qui m’offre le gîte et le repas. C’est un moment inoubliable ! Il me dit : « alors à ton retour, viens me rendre visite en Suisse ». Après mon voyage, je quitte le Luxembourg, trouve un travail en Suisse et recommence ma vie trop bien rangée et ennuyante. J’avais envie de partir à nouveau.
J’ai évoqué le projet avec mon frère, Max. C’était resté au stade de l’idée jusqu’à ce que je décide sur un coup de tête d’acheter une 2cv. Je me suis pointé un matin chez lui en lui disant « ça y’est, j’ai le véhicule, y a plus qu’à partir ». Un peu devant le fait accompli, il a dit ok !! C’est comme ça que ça a commencé. Un déclic 😊
Pourquoi partir en road trip avec une vieille Citroën 2CV ?
Max : Parce qu’on aime les voitures anciennes. Mais ça aurait pu être une 404, une 205. On voulait un véhicule ancien qui se dépanne super facilement. Quand on a commencé à rouler avec, on s’est rendu compte que les gens nous faisaient des appels de phare, se retournaient ou simplement souriaient à notre passage. Au fil des rencontres, on s’est aperçu que la Deuche avait quelque chose de magique. Pour beaucoup, cela évoque une époque un peu révolue, les souvenirs d’enfance, les moments passés avec les grands-parents. Ça nous a conforté dans l’idée que c’était LA voiture idéale pour ce voyage.
Comment avez-vous été accueillis en tant que petits jeunes dans la communauté 2CV ?
Clem : La communauté d’amoureux de la 2CV est énorme ! Les anciens sont contents de nous voir partir avec, de prolonger la tradition en la faisant rouler et vivre. Nous avons été super bien accueillis au meeting « national de la 2CV ». Quand on a commencé à discuter sur Facebook avec des 2cvistes, tout le monde était prêt à nous aider et à nous enseigner comment la réparer. Lorsqu’on a dit « on part en Mongolie » dans le groupe, tout le monde nous a donné ses conseils, c’était génial.
Où en êtes-vous de votre trip ?
Parti le 17 Juillet 2019 depuis la tour Eiffel. Nous ne sommes pas parisiens mais le symbole de la France pour nous c’est la tour Eiffel. Passage par le cap Nord pour aller en Mongolie. Oui oui, le cap Nord ! Le point le plus au nord qu’on peut aller en voiture en Europe. On a vu le soleil de minuit et puis nous sommes redescendus en Russie, Mongolie, Chine et nous voilà maintenant au Laos après 5 mois de voyage !
D’ailleurs nous sommes au 153ème jour de voyage aujourd’hui ce qui veut dire que nous sommes à la moitié de notre périple ! Déjà 33 000 km au compteur ! Et oui… Retour prévu le 20 Mai 2020. Rendez-vous à » la nationale 2cv » pour fêter avec tous les deuchistes notre retour et le retour de notre 2cv. La route du retour sera par la Thaïlande, Myanmar, Inde, Pakistan, Iran, Turquie et puis sud/est de l’Europe. D’ailleurs la véritable arrivée sera le 27 Mai 2020 au pied de la tour Eiffel
Quel est votre meilleur souvenir ?
Max : C’est lorsqu’on a été invité chez 2 russes vers Moscou. On a posté un message sur Facebook pour savoir s’il y avait un mécano 2CV. Le gars a répondu, il nous a donné l’adresse du mécanicien, on a dormi chez lui, il nous a fait visiter Moscou une journée, et nous a invité chez ses parents. On a été super bien accueilli ! On parlait par téléphone interposé pour faire la traduction. Mais on voyait qu’ils étaient très contents de pouvoir échanger avec nous. Quand on les a quittés, ils avaient les larmes aux yeux.
Clem : Trop de souvenirs, mais à choisir ce serait le « mont blanc » en Chine ! On a réussi à monter Cocotte à 4700 mètres, et nous à 4800m. On grimpait à 20km/h, forcément avec les carbus, ça broutait un peu, mais on a réussi à aller au bout ! Super expérience 😊
Quelle est votre pire galère ?
Clem : Rouler avec mon frère ! Non, je rigole.
Max : Pour moi, c’était le carbu, juste après être rentré en Chine. La voiture broutait et des fois ne démarrait plus. Il fallait qu’on trouve une pièce de rechange, mais on était en convoi donc pas vraiment le droit de faire attendre les autres, on devait filer. Notre guide nous a emmené dans un garage qui réparait les véhicules de police. Une fois le tarif exorbitant de 300€ annoncé, on s’est rendu compte qu’on n’avait pas vraiment d’autres choix que d’accepter le prix. C’est 3 fois le prix, on s’est fait arnaquer, mais on n’avait pas d’autres solutions.
Clem : Pour moi, c’est l’accident en Chine. Parce que c’était une erreur de ma part. Deux tunnels étaient reliés par une section qui avait subi un glissement de terrain. C’était en descente, de nuit, je roulais trop vite. Et on a tapé un rocher. Ce n’était pas éclairé, on a eu beaucoup de chance de réussir à redémarrer, sinon ça aurait pu très mal finir. Au final, on a cassé une jante, plié le châssis, donc plus de peur que de mal.
Traverser la chine implique d’être en convoi. Quelle a été votre expérience là-dessus ?
Clem : Stressante. Rouler en Chine avec son propre véhicule coûte très cher (guide, visa, …) C’est pourquoi nous nous étions en groupé avec une moto et un autre véhicule. Tout l’itinéraire était figé. Quand on a eu notre accident, on a dû faire stopper tout le convoi pendant 2 jours. On avait la pression car le budget était extensible. C’est-à-dire que si on dépasse le planning, on paye en supplément. Et on sentait que les autres n’appréciaient pas qu’on les retarde.
Max : En plus, notre guide vérifiait toutes nos photos. Il vérifiait tout ce qu’on prenait. Une fois, sans faire exprès, j’ai photographié des policiers. Il m’a alors arraché l’appareil des mains pour regarder. On a bien senti que tout était contrôlé et qu’il risquait gros si on sortait du cadre des visites.
Vous avez rencontré des passionnés de 2CV partout dans le monde ?
Max : Carrément. Partout sauf en Chine.
Clem : En Russie, pour l’anecdote, on a été hébergé chez un propriétaire de 2CV. Il nous a emmené chez son mécano, amoureux de la voiture. On avait un petit souci qu’il a réparé, et il ne nous a rien fait payer. Il était juste super content de pouvoir nous aider dans notre périple depuis la France.
Vous participez au Mongol Rallye, qu’est-ce que c’est ?
C’est un rally créé en 2004 par une bande de copains… Britanniques ! Et oui, qui aurait pu avoir cette idée folle de partir avec une voiture pourrie et de l’emmener à l’autre bout du globe ? Des Britanniques !
Conditions pour y participer :
- une voiture de moins d’1L de cylindrée (1000cm3)
- un véhicule âgé de plus de 30 ans pour les puristes.
- et ? et ? Beh c’est tout !
Ça se déroule tous les ans en juillet principalement, la ligne d’arrivée est entre Août et Septembre. Elle reste ouverte pendant 1 mois. Et oui ça n’est pas une course !! Mais un rally où il n’y a pas d’itinéraire imposé. Certains passent par le cap nord, d’autres par la Roumanie, Ukraine et Russie et d’autres encore par la Turquie et l’Iran ! Toutes les routes mènent à Rome ! Ah beh non, là c’est la Mongolie.
Cocotte est recouverte de sponsors, comment les avez-vous dénichés ?
Clem : Mon ancienne boite a bien voulu sponsoriser notre aventure. Super sympa de leur part. Après, un garage local nous a aidé à bien préparé cocotte pour le voyage.
Max : Ensuite, on a fait le tour de nos amis et des entreprises du coin. Fromagers, société d’événementiel, couvreur, de nombreuses personnes ont trouvé notre projet super cool 😊
Un conseil pour les voyageurs qui lisent cet article ?
Clem : Dire oui à tout. C’est-à-dire, ne pas avoir peur et accepter l’aide que les gens vous proposent. Les meilleures rencontres, les meilleurs souvenirs, c’est quand on a dit oui.