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Rencontre en Géorgie dans une maison traditionnelle « Oda »

Après 4 mois de roulage intensif et environ 12 000 km depuis la France jusqu’à la Géorgie, nous avons grand besoin de poser les valises. C’est ainsi que nous débarquons dans une famille géorgienne pour 3 semaines d’immersion. Notre objectif ? Partager le quotidien des locaux, participer à la construction d’une maison paille-terre et nous reposer. Nous y avons fait la jolie rencontre de Lika, une jeune mamie pleine d’énergie qui aime à faire découvrir son pays et sa culture.
Dans cet article sous forme d’interview, nous te présentons cette famille géorgienne extra, l’histoire de leur maison familiale traditionnelle « Oda » en bois et quelques détails surprenants sur la culture géorgienne. Bonne lecture !

Quelques infos sur la région de la Gourie (Guria)

Immersion chez une famille géorgienne de Gourie

Le hasard du workaway nous a mené dans la région de Gourie. Situé à l’Ouest, entre la mer Noire et les montagnes, cet étonnant coin de Géorgie profite d’un climat subtropical. Ici, il pleut beaucoup et la végétation est luxuriante ! On croise des forêts de noisetier entre deux massif de bambous géants, d’immenses eucalyptus bordent la route, les pommiers font 15m de haut, la vigne grimpe sur les arbres et les façades… Bref, c’est magnifique !! A l’époque soviétique, cette région fournissait tout l’URSS en thé. C’est dans les environs d’Ozurgeti que nous posons nos sacs pour quelques semaines chez Lika et sa famille.

Rencontre avec Lika, une géorgienne

Lika, peux-tu nous en dire davantage sur le lieu où nous sommes ?

Ici, c’est la maison de mes ancêtres et j’y ai grandi. Elle a au moins 150 ans. J’ai retrouvé des photos de famille sur ce balcon datant de la fin du XIXème siècle.

Il y aussi d’anciennes cuves à vin âgées d’environ 600ans qui sont enterrées dans la propriété. Elles témoignent de la présence de vignerons depuis plusieurs siècles. Au cours de l’histoire du pays, de nombreux aléas ont faillis causer la perte de cette maison mais ma famille a toujours réussi à la sauver. Beaucoup de Komli ont disparu ou sont à l’abandon.

C’est pourquoi il est vital pour moi de faire vivre cet endroit, de revaloriser cette maison traditionnelle et de partager la culture géorgienne. Ainsi, j’ai créé cette maison d’hôte et j’anime des visites expliquant la culture du thé présente dans la région de Gourie depuis environ 200 ans.

Il y a un lien étroit entre l’histoire de la Géorgie, celle de votre famille et la vie de cette maison. Ce n’est pas pour rien que vous avez nommé ce lieu « Komli ». Peux-tu nous en dire plus sur ce nom ?

« Komli » signifie « maison de campagne familiale ». Ce terme vient du mot géorgien « Kvamli » [კვამლი] qui désigne « la fumée sortant de la cheminée ». Ces maisons rurales étaient disséminées en pleine nature et rarement visibles depuis la route. La fumée témoignait de leur présence et du fait qu’elles étaient habitées. Le feu occupe une place viscéral dans la culture géorgienne. C’est une sorte de métaphore de l’hospitalité, de la convivialité et de la chaleur humaine. C’est pourquoi le terme « Komli » prend tout son sens ici.

Cette type de maison traditionnelle appelée « Oda » est typique de la région du Sud-Ouest de Géorgie. Comment est-elle aménagée ? Quelles sont ses particularités et son système constructif ?

Traditionnellement, dans la région de Gourie, les maisons sont construites sur des collines pour favoriser l’évacuation de l’eau. Le jardin ou la cour est divisé en deux parties. Celle devant la demeure sert d’apparat et est parfaitement entretenue, tandis que celle derrière la maison est utilitaire (animaux, bâtiments de ferme, potager,…). D’autres locaux se situent autour de la maison tels que le grenier à grain, la salle de bain et WC, la cuisine, le puits, etc… Ainsi la maison sert uniquement à recevoir et dormir.

Avant la construction, une attention toute particulière est prêtée au choix de l’orientation et de la vue. Par exemple, cette maison s’ouvre vers l’Est et le Nord. Ainsi nous sommes protégés des fortes pluies (parfois horizontales) venant du Sud et de l’Ouest et nous profitons quotidiennement des superbes montagnes orientales depuis notre balcon. Comme la plupart des terrasses géorgiennes, nous l’avons décoré de plantes, de fleurs, des tableaux,… Il y a aussi des fauteuils confortables et une grande table. Nous y passons la majeure partie de nos journées.

Voici quelques caractéristiques du système constructif atypiques de ces maisons « Oda » : 

  • Elles sont construites sur des pilotis en bois ou en pierre. Cette surélévation leur permet d’être ventilée et protégées de l’eau et de l’humidité. Souvent ce « sous-sol » sert de lieu de stockage et cave à vin.
  • Ces maisons sont conçues pour être facilement montable-démontables-déplaçable-réparables. Des planches s’emboîtent parfaitement, à l’aide de chevilles, pour constituer les murs, aucun clou ni vis n’est utilisé. C’est pour cela qu’on les appelle des maisons « lego ». Tout a été construit à la main et parfaitement alignées afin qu’il n’y ait aucun jeu dans l’imbrication entre les planches. Depuis l’occupation soviétique et l’importation de leur mode constructif, c’est un savoir-faire presque perdu.
  • Comme je l’expliquais avant, la cheminée joue un rôle central qui se traduit dans la construction de la maison. C’est le premier élément que l’on construit et il se situe au cœur de l’habitation. D’abord on fonde le foyer, (en croix) à base de pierre et de ciment, puis on installe la maison en bois tout autour. Ici la cheminée sert au chauffage et non à la cuisine. En général, les maisons « Oda » ont quatre pièces, chacune avec leur foyer propre et un conduit d’évacuation commun. Ainsi, on dit qu’elles ont quatre yeux. Notre maison n’en a que deux car mer ancêtres devaient être pauvres.
  • La toiture est à quatre pans aux pentes plutôt faibles.
Comment ta maison a t-elle évolué au fil du temps ?

L’apogée des maison Oda date du XIII-XIVème siècle. J’ignore quel âge à la mienne. Ce que je sais, c’est qu’elle a été reconstruite en 1907-1908 sous l’empire russe par mon ancêtre. En 1986, mon père à élargit le balcon à l’Est et construit celui au nord. Il a aussi agrandit la maison en accolant une salle de bain, un salon et la cuisine. Maintenant nous avons l’électricité et tout ce qui est utile pour un quotidien confortable.

Vous êtes 4 générations à vivre dans cette maison. Est-ce un mode de vie généralisé dans le pays ?

Oui, c’est très commun, nous prenons soin les uns des autres. Dans cette maison, nous vivons avec ma mère, ma belle-mère, ma fille, son époux ainsi que nos 4 petits-enfants. Chacun participe aux tâches quotidiennes. Traditionnellement, l’épouse emménage dans la famille du mari. Il y a une dot que l’on appelle zviteri. Si la famille est pauvre, ça peut être des ustensiles de cuisines, des draps, des animaux… Si la famille est riche, ça peut être un lopin de terre, de l’argent, ou encore des bijoux. Mais vu que la Gourie est une région pauvre, c’est souvent du mobilier tel que des lits. Dans la région de Gourie, les géorgiens sont particulièrement motivés et tournés vers l’éducation. Par exemple, mes enfants sont la 3ème génération à avoir étudié à l’université.

Et voilà, j’espère que cette parenthèse géorgienne t’a plu. De notre côté, nous savons que nous sommes chanceux d’être tombé sur cette famille géniale. Lika et ses enfants sont toujours ravis de partager avec nous l’histoire et la beauté de leur pays. On en apprend tellement tous les jours ! Dans un second article, nous abordons la culture du thé, du vin et de la tchatcha ! On te laisse, on doit aller distiller de l’alcool de vin ! Bonne route !
>> Lire l’article sur la culture du thé, du vin et de la tchatcha

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