Au cours de notre périple de 50 000 bornes en sidecar Ural jusqu’aux confins de la Mongolie et de l’Asie centrale, nous avons appris, un peu malgré nous, à parler le langage des carburateurs. Ça pétouille ? Ça broute ? Ça fume noir ? Quels sont les symptômes les plus courants ? Comment régler des carburateurs ? Plongeons ensemble dans l’obscur art du mélange air et essence. Bonne lecture !
Quels sont les symptômes d’un souci de carburation ?
Tu connais la Loi de Murphy ? Elle se résume ainsi : si quelque chose peut déconner, ça déconnera. Nos carburateurs ont certainement eu vent de cet adage, car presque chaque composant s’est détraqué à un moment ou un autre. Voici un florilège de nos petits aléas carburatiques et de leurs résolutions :
Explosion soudaine à haut régime
Quand je parle d’explosion, je pèse mes mots. Cela s’apparente à un coup de fusil de chasse juste derrière les oreilles (on a vraiment cru qu’un silencieux s’était désintégré). A quoi cela était-il dû ? Une désynchronisation extrême des carburateurs. Je ne sais par quel miracle, un câble d’accélérateur s’était déréglé. Un papillon était donc nettement plus ouvert que l’autre.
Moteur qui s’emballe même au ralenti
Je peux te dire que ça surprend de bon matin. Que s’est-il passé ? En descendant de l’Ural la veille, mon pied a fait sortir un câble d’accélérateur de sa gaine au niveau du bifurcateur. Quelques millimètres qui suffisent à passer de 800 à 2000 tr/min.
Absence de couple, difficulté à tenir le ralenti et pétouillage
On parle d’un là d’un pétouillage que l’on pourrait comparer à un prout mouillé, gras et lent. Juste après, nous évoquons le pétaradage qui s’apparente d’avantage à une flatulence sèche et vive. La frontière entre digestion et carburation est plus fine qu’on veut bien le penser.
Bref : plus de couple, impossible de monter dans les tours, difficulté à tenir le ralenti : c’est le symptôme d’un mélange trop riche. Cela se produit évidemment en prenant de l’altitude, mais aussi – et ça arrive rapidement quand on fait du tout-terrain – lorsque le filtre à air est encrassé. C’est d’ailleurs la première chose à vérifier en cas de souci.
Fumée noire qui sort de l’échappement
Mélange trop riche. La combustion est incomplète ce qui provoque ces fumerolles. Petit aparté : c’est ce que les ricains appellent « Rolling Coal », qu’on peut traduire par rouler au charbon. En plus de présenter des performances médiocres, le moteur rejette tout un tas de particules pas sympas.
Pétarade tout le temps
Ça détonne dans tes silencieux ? Ton mélange est trop pauvre. Dans ce cas, le moteur n’arrive pas à brûler le cocktail air/essence. Cette mixture passe donc à la case échappement où elle retrouve tout un tas de déchets de combustion et détonne sous l’effet de la chaleur du pot. Cela peut se produire lorsque une prise d’air se créée dans le circuit d’admission. Cela nous est arrivé quand une pipe était sortie de la portée du carburateur.
Ratatouille au 95 mais pas au 92
Là, on a dû se creuser la tête pour trouver l’origine du problème. Nous sommes en Mongolie lorsque notre sidecar Ural se met à brouter sévèrement. Or, nous venons de faire le plein de 95. Plus tard, en repassant sur un indice d’octane moins élevé, le phénomène disparaît. Le coupable ? Le puits d’émulsion. Ses minuscules trous étaient complètement obstrués par de la terre présente dans le sans-plomb. Il était aussi manifestement temps de remplacer notre filtre à essence.
Fuite d’essence par la prise d’air
Tu te souviens du pointeau de cuve ? C’est lui qui a pour mission de fermer l’arriver d’essence lorsque le niveau est suffisant. Dans notre cas, la tige avec ressort – l’amortisseur dont on parlait un peu plus haut – s’est coincée. Combiné au robinet à dépression en PLS, l’intégralité de notre réservoir d’essence se vidait sur le parking du supermarché. Bah oui, parce qu’évidemment, on venait de faire le plein. Pour dépanner ? Démontage des cuves, extraction du pointeau et gigotage de la tige pour décoincer le ressort.
Un problème de carburation ? Que dois-je vérifier systématiquement ?
Ça flatule, ça broute, ça pétarade, ça ratatouille : il est temps de s’intéresser au mélange air/essence. Par quoi commencer ? Par le plus simple. Avant de te lancer dans un démontage complet des carburateurs, il y a quelques vérifications faciles à réaliser qui te permettront de cibler quelques soucis rapidement :
Première étape : inspecter les pipes d’admission
En effet, un contrôle visuel permet de détecter un fendillement, une craquelure ou un mauvais serrage soit côté carburateurs soit côté filtre à air. Tout ceci peut provoquer une prise d’air additionnelle induisant un mélange trop pauvre. Et donc un pétaradage.
Deuxième étape : vérifier les câbles d’accélérateur
Toujours sans rien démonter, vérifie que les câbles d’accélérateur ne soient pas coincés. Ils ont une fâcheuse tendance à sortir de leur gaine ou à se déloger du bifurcateur (petite pièce qui permet de passer d’un à deux câbles) – surtout le carburateur côté panier qui est plus exposé à un coup de chaussure malencontreux. Qui dit câble déréglé, dit carburateurs désynchronisés. Pas cool.
Troisième étape : jeter un œil aux bougies
Retire tes bougies pour en observer la coloration. Elles sont noires, avec un aspect suie de cheminée ? Le mélange est trop riche. Blanches ? Trop pauvre. Le Graal : un aspect brun clair voire caramel (beurre salé ou pas, c’est la même). Accessoirement, si tu notes une différence d’aspect notoire entre les deux, cela te permettra de cibler le carburateur en cause.
Quatrième étape : purger les cuves
On sort maintenant une petite clé BTR pour dévisser la vis de cuve située sous tes carburateurs. L’essence sort alors par le bas, ce qui permet d’évacuer d’éventuels impuretés et accessoirement de jeter un œil au précieux sans-plomb.
Cinquième étape : nettoyer le filtre à air
Ta carburation n’est toujours pas idéale ? Avant de démonter les carburateurs, nettoie le filtre à air. C’est bien souvent lui le coupable d’un mélange pas terrible. Pour cela, il faut démonter les pipes d’admission et sortir la boite contenant ledit filtre. Un passage sous l’eau du robinet pour déloger toutes les impuretés et basta ! Tu n’as plus qu’à laisser sécher, remonter et tester.
Sixième étape : regarder les gicleurs, nettoyer la cuve et le puits d’émulsion
Toujours avec les carburateurs en place, il est possible de jeter un œil aux gicleurs et au puits d’émulsion. Pour cela, il suffit de démonter la cuve en dévissant les 4 vis BTR. Attention, elle contient une dizaine de centilitres de sans-plomb alors il s’agit de la maintenir horizontale en la sortant délicatement ! Ensuite ? On inspecte l’aspect de l’essence, on nettoie la cuve si nécessaire.
Puis, avec une clé plate de 10, on sort le puits d’émulsion de son logement – note que le gicleur principal est vissé dessus. Place au lavage ! Le spray nettoyant frein reste l’idéal pour libérer les minuscules orifices d’éventuelles impuretés. On le passe dans le trou du gicleur ainsi dans ceux du puits d’émulsion.
Ce qu’il faut éviter ? Utiliser un matériau rigide pour récurer ces passages. Et oui, le laiton reste un métal super fragile. On remet le puits d’émulsion avec le gicleur principal en place, on referme la cuve, et on voit comment ça tourne.
Ton problème subsiste ? Septième étape : nettoyer les carburateurs
Alors, tu es bon pour un nettoyage en bonne et due forme des carburateurs. Ce qui signifie, les désinstaller, les démonter complètement, les laver au spray ou au bain à ultrason et tout remonter. Rassure-toi, cette opération reste simple et ne nécessite que des outils basiques. Mais ? Il faut savoir être minutieux et prendre son temps car le laiton ne pardonne pas la précipitation. Tu peux lire notre article expliquant comment nettoyer ses carburateurs.
Comment régler mes carburateurs selon l'altitude, pour quels gicleurs opter ?
Que se passe t-il lorsque l’on grimpe en altitude ?
L’oxygène se raréfie. Le carburateur, lui, s’en cogne. Il continue à laisser passer le même débit d’air et d’essence. C’est mécanique. Alors inévitablement, le mélange devient de plus en plus riche car il présente trop d’essence.
Comment rectifier le tir ? En changeant les gicleurs.
Sur le plancher des vaches, nous roulons avec un gicleur principal en 128, soit un trou de 1.28mm – de base, c’est un 125 mais nous sommes en 850cc – et un ralenti en 42. Vers les 3200-3500m d’altitude, nous réduisons les diamètres à respectivement 125 et 38. Enfin, au-delà des 4000m, il faut limiter à nouveau le débit d’essence en passant à 118 pour le principal.
Toutefois, ce sont là des ordres de grandeurs. En fait, il existe des abaques, des tableaux pour faire correspondre une altitude à un diamètre de gicleur. Mais ? Trop de facteurs entrent en jeu pour que ça soit vraiment applicable comme la propreté du filtre à air, la qualité de l’essence ou encore la température ambiante. Pour te donner un exemple, nous avons franchi le col de l’Iseran dans les Alpes en France sans difficulté alors qu’il est perché à 2700m d’altitude. Par contre, il nous a été impossible de passer le plus haut village du Caucase, Ushuguli à 2100m. Le coupable ? Le filtre à air obstrué.
Il faut donc écouter son sidecar Ural, être attentif à ses signes. Perte de couple ? Ratatouillage ? Difficulté à monter dans les tours ? Alors, il est temps de diminuer le diamètre de gicleurs. Sinon, il est inutile de se lancer dans cette opération uniquement parce qu’on a atteint une certaine altitude.
D’ailleurs, est-ce dommageable pour le moteur de monter en altitude sans changer les gicleurs ?
Autrement dit, est-ce que c’est grave de rouler trop riche ? Absolument pas ! Avec trop d’essence dans le mélange, tu perds seulement en performance. La combustion se fait mal. Résultat : ça broute, et tu surconsommes. Rien de grave en soi.
Le vrai danger est de rouler trop pauvre. Pourquoi ?
Eh bien, plus la quantité d’essence dans le mélange se réduit, plus la détonation dégage de chaleur. A court-terme, ton moteur chauffe simplement davantage. Par la suite, la chambre de combustion devient tellement chaude que l’explosion se produit d’elle-même, sans l’aide de la bougie. Tu viens de réinventer le moteur Diesel, bravo !! Une innovation pas vraiment favorable à la survie de ton moulin car tu risques alors de plier une bielle, désintégrer une soupape ou faire fondre une bougie (dans le meilleur des cas). Quid du fameux perçage de piston ? Il se produit lorsque l’explosion est si concentrée et chaude qu’elle se transforme en « arc » entre la bougie et une zone localisée de tête du feu-piston.
Tout ça pour dire quoi ? Prendre de l’altitude sans changer ses gicleurs, ce n’est pas grave. Par contre, lorsque tu redescends de la montagne, il ne faut surtout pas zapper de repasser sur les diamètres adaptés sans quoi tu rouleras trop pauvre. Le danger guette !
Comment ajuster la vis de richesse du ralenti ?
Comme nous l’avons vu précédemment, la richesse au ralenti dépend à la fois du diamètre du gicleur ET du réglage de la vis de richesse. Comment l’ajuster correctement ? Voyons ça tout de suite. Pour rappel, cette vis joue sur l’arrivée d’essence, non de l’air. Ainsi, plus on la dévisse, plus on libère le passage pour le sans-plomb, plus on enrichit le mélange. Inversement, plus on visse, plus on appauvrit. Sache qu’il existe un réglage d’usine qui fonctionne parfaitement.
Le point de vigilance ?
Nous sommes là sur de l’horlogerie suisse en laiton, donc pas question de forcer. Pour se faire, il suffit de visser ladite vis jusqu’à ce qu’elle soit complètement enfoncée dans son logement. Délicatesse ! Ensuite, il faut dévisser de 3 demi-tours – une savante règle de conversion indique que cela correspond à 1,5 tour. Ça y est, c’est réglé.
Tu es perfectionniste ? Il est possible d’affiner ce réglage.
Pour ce faire, il faut que ton moulin soit chaud. Alors qu’il tourne, on va jouer sur la vis de richesse pour obtenir le régime moteur maximum. Ainsi, en partant du réglage de base de 6 demi-tours, tu peux dévisser d’un quart de tour et voir comment le moteur se comporte. Il perd en vitesse ? Alors, ce n’est pas la bonne voie. Retour au réglage d’origine. Tu peux alors essayer de serrer d’un quart de tour et voir comment réagit le moulin. Et ainsi de suite, quart de tour par quart de tour. On ne va pas se mentir : le réglage usine fonctionne parfaitement, il n’y a pas réel besoin d’y toucher.
Bonjour, excellent article comme le premier ou on apprend plein de choses. J’avais l’habitude des Solex et des Bing et maintenant le Keihin.
J’étais juste surpris pas les 3 tours de desserrage de la vitesse de richesse. Je suis plutôt vers 1,5 tours. Peux-tu le confirmer?
Merci à toi.
PS: je galère toujours avec mon capteur Ducati qui tient difficilement plus de 2 ans.
Salut Stéphane,
Merci pour ton commentaire !
Effectivement, tu as raison, on s’est emmêlé les pinceaux avec cette histoire de demi-tours.
Le réglage d’usine pour les CVK32 bien est de 1,5 tours, soit 3 demi-tours (on va corriger l’article en ce sens).
Concernant le capteur Ducati, tu évoques le capteur à effet Hall pour détecter les lumières dans le disque d’allumage ?
Si oui, nous l’avons aussi remplacé à de multiples reprises.
A posteriori, il semblerait que ce ne soit pas le capteur lui-même qui soit défaillant mais plutôt la connectique.
En effet, les fils ont tendance à se défaire avec les vibrations ou à être pincés lorsque l’on remet le carter d’allumage en place.
Bonne route à toi !
P.S : N’hésite pas à nous dire si tu vois d’autres bourdes 🙂