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Comment les carburateurs d’un sidecar Ural fonctionnent-ils ?

Franchir un col à 4655 m d’altitude en sidecar Ural à carburateurs : c’est fait ! Est-ce-qu’on ne serait pas un peu contents de nous ? Ouai, carrément ! Surtout en roulant avec du SP92 de contrebande coupé à l’urine de cheval. D’ailleurs, au départ, la science de la carburation nous échappait complètement. Mais au cours ce périple de 50 000 bornes jusqu’aux confins de la Mongolie, nous avons appris – un peu malgré nous – à parler le langage des carburateurs.
Dans cet article, nous abordons le fonctionnement du carburateur, si tu veux en savoir plus sur les pannes, symptômes et réglages, nous avons écrit un second article. Bonne lecture !

Pourquoi avons-nous opté pour un sidecar Ural à carburateurs (modèle keihin CVK32) ?

Quels sont les avantages proposés par cette relique des temps anciens ?

Nous concernant, ce choix était dicté par l’itinéraire de notre voyage. Aux confins des pays en –stan, il nous paraissait compliqué de dégoter un concessionnaire capable de dépanner une bécane moderne à injection. Dans ces pays où lowtech et système D sont les maîtres mots, limiter l’électronique nous semblait pertinent.

De plus, avec une densité de population de 2 hab/km2, la Mongolie nous imposait de savoir nous dépatouiller par nous-mêmes. Et c’est bien l’avantage du carburateur ! C’est-à-dire ? Ce n’est qu’un amas de pièces mécaniques judicieusement arrangées : pointeau, membrane, flotteur, gicleur,… Et en connaissant la manière dont ces éléments sont intriqués, il est assez facile de dérouler une suite de vérifications logiques permettant de corriger un défaut de carburation. Rien de mystique donc.

Enfin, qui dit injection dit sonde lambda, pompe à essence et calculateur programmable. Autant de composants additionnels qui augmentent le nombre de pannes éventuelles. « Less is more » comme dirait l’autre.

Quels sont les inconvénients d’une moto à carburateurs ?

Au rang des aspects négatifs, il convient de noter que le mélange air/essence n’est jamais optimal. On roule toujours trop riche ou trop pauvre. Le calculateur d’injection, quant à lui, se démène pour toujours se rapproche du Graal : le fameux rapport stœchiométrique idéal de 14g d’air pour 1g de sans-plomb. Quid du carburateur ? Il n’en a que faire. Il est bête et méchant. Alors, évidemment cela a un impact direct sur la consommation d’essence – en moyenne 8L/100 nous concernant.

Quel est le rôle du carburateur ?

Le carburateur a comme unique mission de mélanger l’air à l’essence pour créer un mélange détonnant.

Le système à dépression du carburateur

La science de la carburation est un domaine à part entière. Mêlant mécanique, thermodynamique et nécromancie, nous en avons saisi quelques fondements que nous te partageons. Fait surprenant ? Plus nous en comprenons le fonctionnement, plus il nous parait contre-intuitif.

Le piston du moteur

Le déplacement du piston crée un appel d’air, aspirant le mélange air-essence jusqu’à la chambre de combustion. Pour moduler le flux entrant, on obstrue plus ou moins le « tunnel » grâce au papillon. Jusque là, rien de sorcier, non ? Le tunnel en question a une forme particulière provoquant un effet Venturi. Effet qui – selon ce bon vieux Bernouilli – provoque une dépression. Le but ? Permettre d’aspirer l’essence depuis la cuve. Accessoirement, ce profil spécifique va aussi créer une accélération du flux dans le tunnel, vaporisant les particules d’essence. Ceci favorise sa combustion.

La cuve et les flotteurs

C’est le bocal dans lequel est stockée l’essence des carburateurs. Alimentée depuis le réservoir, son niveau est géré par un système rudimentaire de flotteur qui actionne un pointeau pour fermer ou non l’arrivée. Oui, oui, comme dans tes toilettes. A la différence près que ledit pointeau est équipé d’une tige sur ressort, servant d’ « amortisseur » pour absorber les vibrations.

Comment le niveau de richesse du mélange air – essence est-il déterminé ?

Le rôle des 3 gicleurs

La richesse est ajustée grâce au gicleur principal. Placé entre le tunnel et le réservoir d’essence (la cuve), c’est lui qui va laisser passer plus ou moins d’essence. Et oui, un gicleur n’est rien d’autre qu’un trou. Un trou certes, mais calibré au poil. Plus l’orifice est grand, plus l’essence passe, plus le mélange est riche. Plus le gicleur est étroit, moins l’essence passe, plus le mélange est pauvre. On ne l’a pas précisé, mais dans cette histoire, le flux d’air entrant reste inchangé. Ainsi, pour faire varier la richesse, on joue uniquement sur le diamètre du gicleur.

Dans le cas du keihin CVK32, spécifiquement pour le ralenti, un gicleur est associé une vis de richesse pour, là encore maîtriser le flux d’essence entrant. Il existe aussi un 3ème gicleur pour le circuit de starter. Le principe ? Enrichir le mélange pour faciliter l’explosion à froid. En tirant la manette, tu ouvres un circuit additionnel qui vient délivre de l’essence juste après le papillon.

On résume ?  Le ratio air/essence quand on accélère est déterminé uniquement par le diamètre du gicleur principal ; la richesse au ralenti est déterminée par la taille du gicleur de ralenti ET la vis de richesse ; le circuit de starter permet d’enrichir le mélange au démarrage.

Le rôle du puits d’émulsion

Il porte plutôt bien son nom car il doit mélanger l’air et l’essence pour favoriser la détonation du cocktail. Ce petit tube en laiton présente une dizaine de minuscules trous pour mixer tout ça. Il reçoit du sans-plomb via le gicleur principal sur lequel il est vissé, et de l’air par l’extérieur.

Comment la hauteur de cuve impacte t-elle la richesse  du mélange air – essence ?

La hauteur de cuve correspond au niveau d’essence dans cette cuve. Dans la littérature, on peut lire que celui-ci impacte directement la richesse du mélange. Trop haut = mélange trop riche. Trop bas = trop pauvre. En effet si la cuve est vide, le flotteur descend libérant l’arrivée de sans-plomb. Tandis que quand le niveau est suffisant, le pointeau la ferme. Mais alors, n’est-ce qu’un réservoir qui se remplit et qui se vide ? Non c’est un peu plus compliqué que ça.

Comme dans le phénomène de vases communicants, le niveau dans le puits d’émulsion est le même que dans la cuve. Si le niveau est trop bas, alors le gicleur principal ne peut rien aspirer ou pas assez. Ainsi, le mélange est trop pauvre. Si le niveau est trop haut ? Le sans-plomb va alors avoir tendance à remonter dans le puits d’émulsion. Le venturi va donc aspirer de grosses gouttes au lieu d’une fine brume. La combustion se fait mal et le mélange est trop riche. Ainsi, le niveau est correct lorsque le gicleur est immergé dans l’essence, mais que le puits d’émulsion ne l’est pas. Et si la hauteur de cuve sort des tolérances ? Alors, on va tordre la languette du flotteur pour rectifier tout ça.

Mon hypothèse : Bernouilli vs Archimède

Ceci étant dit – et les experts me corrigeront si je raconte une ânerie monumentale –, il me semble que ce raisonnement ne s’applique qu’à très faible régime ou seulement au démarrage.

Pourquoi ? Disons que le moteur est à l’arrêt et que la hauteur de cuve soit trop importante. Dans ce cas, l’essence va effectivement chercher à équilibrer les niveaux en remontant par le gicleur puis le puits d’émulsion. Mais qu’en est-il à 2 000 tours/minutes ? Comme on l’a vu, l’appel d’air dans le Venturi crée une dépression énorme (environ 50cm.Hg, soit 70 000 Pa). Une force colossale qui permet de facilement sucer le sans-plomb à travers le trou du gicleur mesurant 1,25mm de diamètre. Et en dessous ? Qu’est ce qui pousse l’essence à remonter dans le gicleur ? Seulement la poussée d’Archimède. Et oui, étant immergé dans la cuve, le liquide exerce une force dessus. Nous avons donc un aspirateur archi-puissant d’un côté et une pichenette de l’autre. Le puits d’émulsion ne peut donc pas rester rempli.

Ce raisonnement tient-il la route ? Bernouilli casse-t-il vraiment la tronche à Archimède ? N’hésite pas à nous fesser en commentaire si c’est une absurdité sans nom.

A savoir, il existe seulement deux types de carburateur pour moto

Celui à vitesse constante ou celui à boisseau mécanique – traduction approximative du terme Mechanical Slide. Dans les deux cas, une paroi en plastique (ou diaphragme) monte et descend pour obstruer plus ou moins le Venturi et ainsi moduler l’accélération. Lorsque le boisseau est en position basse, le flux d’air est infime, on est alors en régime de ralenti. Plus cette paroi se soulève, plus le tunnel est « libre » permettant le passage d’une plus grande quantité de mélange air-essence. On accélère.

Dans le cas du carburateur à boisseau mécanique, la poignée de gaz est en lien direct avec le diaphragme. La conception est simple et efficace. Sauf que ? Il n’est pas réactif. Imaginons par exemple que tu sois en pleine ascension et que tu ouvres les gaz en grand. Le boisseau se soulève entièrement, autorisant un flux plus important alors que l’appel d’air provoqué par le piston ne varie pas. Résultat ? La dépression dans le Venturi s’effondre. Le mélange et la distribution d’essence sont altérées. Tes performances moteur aussi.

C’est là qu’intervient le carburateur à Vitesse Constante, qui comme son nom l’indique garantit une vitesse constante, et donc un Venturi invariant. Et ce, même si tu mets poignée dans l’angle ou que tu sois en charge importante.

Le carburateur à vitesse constante : la contre-intuition à son apogée

Alors, on ne va pas se mentir : c’est là que ça devient carrément bizarre. Accroche-toi. Notre Gobi est équipé de carburateurs Keihin CVK32. On fait les présentations ? 32, c’est la dimension en millimètres du diamètre de sortie du « tunnel ». K, pour Keihin, la marque japonaise qui produit ces petites merveilles. Mais ce qui nous intéresse vraiment, ce sont les initiales CV pour Constant Velocity – Vitesse constante.
Comment réaliser ce petit miracle ? Commet autoriser un débit variable du flux d’air tout en conservant sa vitesse identique ?

En obstruant plus ou moins le tunnel plus intelligemment. C’est là qu’entre en jeu le quatuor papillon, membrane, diaphragme, aiguille. Le principe est rudimentaire. Le câble d’accélérateur est directement lié au papillon. Au ralenti, il est fermé. Le débit dans le tunnel est alors au minimum. Dans cette configuration, le diaphragme – qui n’est rien d’autre qu’une paroi en plastique – est complètement abaissé pour obstruer au maximum le flux.

Que se passe-t-il quand tu tournes la poignée d’accélérateur de ta moto ?

Le papillon s’ouvre. Une dépression est alors créée en haut de la membrane. Elle se lève, entraînant avec elle le diaphragme, ce qui « désencombre » le tunnel. Ainsi, plus tu essores la poignée, plus l’appel d’air est important, plus la membrane se soulève et plus le diaphragme laisse passer de flux.
Et l’essence dans tout ça ? C’est le boulot de l’aiguille qui suit le mouvement. Son rôle étant de réguler l’arrivée d’essence en bouchant plus ou moins le conduit d’arrivée dans le lequel elle se loge. Ce conduit, tu le connais, c’est le puits d’émulsion. Ainsi, quand le diaphragme monte, elle se soulève aussi, libérant l’arrivée de sans-plomb. Ainsi, le débit de mélange air-essence varie en fonction de la demande, mais la vitesse d’écoulement reste la même. C’est plutôt génial, non ?

Que se passe t-il en cas de décélération de ta moto ?
En tournant la poignée, tu fermes le papillon alors que le moteur est à haut régime. Le piston crée un appel d’air énorme alors que le tunnel est presque complètement fermé. Le circuit de ralenti suffirait-il ? Que nenni ! Le gicleur est bien trop étroit pour fournir la demande. C’est en fait le starter qui prend le relais. La dépression créée ouvre une valve – appelée cut-off valve en ricain – qui ouvre le même conduit qui enrichit le mélange lorsque ton moteur froid. Chiadé !
Et voilà pour ce premier article à la gloire du saint Carburateur. Alors oui, on ne va pas se mentir : le sidecar Ural nous a contaminé. Il nous a refilé l’amour des vieilles mécaniques, des brêles qui pissent l’huile, qui pétaradent à tout va, mais qui se bricolent avec rien.
Tu souhaites apporter ta pierre à cet évangile ? N’hésite pas à nous dire si on a écrit des bêtises, s’il manque une info, ou bien si tu veux simplement partager une expérience. La vocation de cet article étant de mutualiser nos connaissances.!
>> Dans un second article, nous évoquons les principaux problèmes et pannes liés aux carburateurs, comment les détecter et les résoudre.

1 commentaire pour “Comment les carburateurs d’un sidecar Ural fonctionnent-ils ?”

  1. Merci beaucoup pour ce cours que je vais relire lent!
    On s’étaient vus chez Luc à Calais. J’avait l’ural scrambler.
    Bonne continuation à vous deux et félicitations pour le voyage

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